B. Joseph s'interroge sur les conséquences de la crise qui a privé de travail de jeunes adultes. L'artiste appartient à la tradition des photographes qui restituent l'être souffrant dans son environnement, avec un style de type documentaire et cherche à rendre un visage à ceux qui l'avaient perdu dans la crise individuelle et sociale. ©Electre 2024

Dans une région qui fut productrice de richesses et détentrice de savoirfaire, aujourd'hui niés, la crise a approfondi les inégalités jusqu'à anéantir l'espoir d'une part importante de la jeunesse. Les anciennes zones de peuplement industriel se sont transformées en parking social. Ces ghettos territoriaux se doublent de ghettos mentaux. Privés de travail, ces jeunes adultes ne trouvent pas les solidarités qu'avaient su inventer les générations précédentes sur les lieux de production. De plus, l'idéologie valorisant les gagneurs tend à intérioriser l'échec et à augmenter le repli sur soi.
Conjointement à son interrogation sensible sur ce réel, Bernard Joseph a développé un travail formel en rupture. Dans l'histoire de la photographie, il existe une tradition de photographes concernés qui restituent l'être souffrant dans son environnement avec un style de type documentaire. Un autre courant plus taxinomique, s'articule, de manière consciente ou non sur la manière dont le pouvoir, par la médecine ou la police, depuis le XIX^e siècle, utilise la photographie pour traquer les marges sociales.
Bernard Joseph a cherché à rendre un visage à ceux qui l'avaient perdu dans la crise individuelle et sociale. Les photographies, par leur format, leur disposition, chercheront plus à provoquer la lecture que la sidération. À chaque moment de la démarche, la notion de respect est patente. Bernard Joseph refuse l'ustensilisation du sujet photographié et tout ce qui provoquerait la fascination du regardeur. Dans cette douleur, Bernard Joseph réagit par une éthique et une esthétique de la résistance, à hauteur d'homme.

Le Centre Régional de la Photographie Nord Pas-de-Calais, dans la continuité de son action, met à profit la richesse des mutations en cours de part et d'autre de la Manche pour développer une vaste action artistique et culturelle dont la création est le moteur.

La Mission Photographique Transmanche entend questionner les divers aspects de la construction européenne dont le percement du tunnel sous la Manche est le symbole. Les modifications du territoire, les bouleversements liés an développement des réseaux de communication et de pouvoir, comme les changements dans la vie des citoyens, constituent autant d'éléments de réflexion de ce projet.

A l'opposé d'un inventaire illustratif, la commande d'œuvres originales assurera, nous le souhaitons, une réelle interrogation du présent et la constitution pour l'avenir d'une mémoire aux témoignages précieux.

Par ailleurs, l'appel à des auteurs de tous horizons et la multiplication des collaborations internationales tendrónt à dessiner un corpus révélateur de la création photographique à la fin du xx^e siècle.

L'ambition de cette collection de cahiers photographiques est d'en constituer une trace de qualité à travers de véritables essais d'auteur.