Une extraordinaire galerie de portraits réalisée après plus de trois ans de travail à la recherche des derniers survivants des grands royaumes africains. P. Alexandre conte l'épopée de ces puissantes dynasties, leurs richesses, leurs péripéties. ©Electre 2024

Il était temps de faire un sort au mépris que couvre cette expression. Il fallait montrer que les dynasties d'Afrique existent tout autant que le grand-duc du Liechtenstein ou du Luxembourg, qu'elles remontent aussi loin, jusqu'à l'époque des Charlemagne africains. Daniel Lainé est un amoureux fou des mystères du continent noir. Pendant dix-huit mois, il a coursé les héritiers des dynasties. La colonisation avait rangé certains des rois africains au placard. La plupart d'entre eux n'ont plus qu'un pouvoir rituel. Beaucoup ont attendu leur intronisation en travaillant comme cadres supérieurs ou comme simples policiers. D'autres restent puissants. Et puis, quelle Histoire et quelles sagas ! Juste quatre exemples.

Qui a lu Cheikh Anta Diop, l'intellectuel africain qui a inspiré le Black Power ? Pour lui, la civilisation africaine remonte à l'époque des Pharaons. On s'est beaucoup moque de sa thèse dans les années 50. Rien de délirant : l'homme est né au Kenya, c'est prouve maintenant. Qui connaît l'empire du Mali ? Il domina le centre de l'Afrique au XII^e siècle et il menaça le Maroc. Les écrivains arabes, comme le fameux géographe Ibn Batuta, en ont vanté sa civilisation et la richesse d'autres royaumes africains avant même qu'un Européen ait abordé le continent noir. Qui sait que Louis XIV éleva un prince noir à la cour de Versailles ? Qui connaît Shaka, le Napoléon zoulou, qui commença brutalement la conquête de l'Afrique en 1815 ?

Il y avait comme partout des tyrans et des despotes éclairés. Et les dynasties ont survécu dans l'imaginaire de leurs peuples béninois ou haouassa. Qui, des peuples qui ont horreur d'être appelés des tribus. C'est un peu notre Histoire à nous, histoire oubliée de nos vieux rois, que Daniel Lainé ressort toute vive d'Afrique. On y voit des Pépin le Bref et des rois fainéants, des petits-enfants de Louis XV le libertin. Ce livre n'est pas seulement un péplum. C'est un pensum, au bon sens du terme, car il donne à réfléchir.

Jean-François Bizot, fondateur du magazine Actuel.