Un coup de coeur de Mollat
Le paradis est pavé de mauvais comportements et de pieuses intentions, et quand la sécheresse s'abat sur lui, que la terre ne rend plus rien, la morosité des hommes peut vite se muer en colère ou en crime. Revenu de Corée avec une haine qui le rend provocateur, Holland Winchester est un cogneur mais le jour où il met du temps à regagner sa maison, sa mère se persuade vite qu'on lui a réglé son compte. Elle appelle le shérif Alexander qui va vite se rendre compte que tant qu'il n'y a pas de cadavre, il n'y a pas de crime et que le suspect évident qui habite dans la ferme à côté est impossible à confondre. Tout l'accuse pourtant car on murmure que sa femme s'est laissée aller dans les bras du bel Holland et que sa stérilité supposée n'y est pas pour rien. Bref, nous voilà avec tous les ingrédients d'une belle tragédie rurale : le crime possible, le cadavre absent, le coupable idéal. Mais avec tous ces éléments Ron Rash va tisser une toile impressionniste forte, changeant à chaque chapitre de point de vue et de période : nous progressons dans le temps qui peu à peu nous éclaire sur les parcours des uns et des autres, nous dévoilant le coupable, ses complices, l'enchaînement inexorable qui mène au crime et condamne des braves gens (qui ne courent pas les rues…) à une souffrance permanente. On résistera à la tentation terrible de raconter, à l'envie de décrire les scènes incroyables que Rash déploie avec un métier qui laisse pantois. Mais vraiment, quel plaisir quand un roman policier se double d'une impeccable tragédie et d'une véritable ambition. Retenez ce nom, on n'a pas fini d'en parler.