Un coup de coeur de Mollat
Eh bien , on peut dire qu'on ne s'y attendait pas à ce livre-là, à ce titre qui a de quoi susciter la curiosité des libraires. Sà Moreira ne nous régale pas d'anecdotes sur un métier qui en fourmille, ne prend pas le parti d'un défenseur des livres retranché dans sa petite boutique : non, son héros est un personnage de fiction qui vit dans la fiction, qui reçoit dans sa librairie ouverte jour et nuit pour le cas où il y aurait une urgence (son rêve), qui arrache des pages aux livres aimés pour correspondre avec sa nombreuse fratrie, qui chasse les couples de son magasin, se souvient de ses amis qui ne le reconnaissent plus et laisse couler les mots et la vie autour de lui. Il rôde dans ces pages une poésie de l'abandon, un style faussement léger qui valent le détour. D.V.
Bernard du Boucheron, Court serpent , Gallimard
La rentrée Gallimard est pleine de surprises et dans des styles très différents. Premier roman, Court serpent témoigne d'une incontestable maîtrise de la construction, un sens de la narration et de l'ellipse qui sert un extraordinaire sujet. Durant le XIV° siècle, le Septentrion fut pris dans les glaces isolant pour des dizaines d'années une communauté chrétienne livrée à elle-même et oubliée. Court Serpent est le nom du bateau construit pour conduire l'expédition menée par l'abbé Montanus dont la mission consiste à retrouver des traces de ces oubliés et à s'assurer de l'orthodoxie de leur foi. Ce missionnaire du froid va connaître l'enfer, découvrir une communauté au bord du néant où ne compte que la survie au péril d'une âme qui paraît bien mince face aux éléments. Narrée dans un style qui s'ose archaïsant, cette histoire est cinglante, forte de son allure de parabole cruelle. N'y cherchez aucune rémission, il n'y a pas d'issue à la folie des hommes quand elle se heurte à une nature impitoyable d'où Dieu s'est absenté. D.V.