Un coup de coeur de Mollat
"Le monde tourbillonne dans les marges de l'espace, les Australiens flottent aux lisières du monde, les habitants du Queensland vivent dans l'écorce de l'Australie ; mon souffle, je le puise dans les failles du Queensland."
Le Queensland, et la ville de Brisbane plus précisément, sont au centre de la plupart des nouvelles choisies ici par les éditions Rivages. Janette Turner Hospital accorde une place déterminante à la description des lieux : source d'inspiration, ils font souvent figure de clef de voute du récit. Avant de raconter une histoire, l'auteur plante un décor, crée une ambiance: un garage sur le bord d'une route départementale, un train de nuit, un ancien pavillon de chasse, une maison en bois "aux pilotis rongés de fourmis"... Les lieux sont toujours insolites et possèdent tous à leur manière une part de mystère, une faille, à l'image du chaos de l'univers, comme cette ville engloutie par les eaux pendant quarante jours dans la nouvelle intitulée "Le club disco du bout du monde".
Ce monde en perpétuelle déconstruction semble contaminer les personnages. Ce sont des hommes et des femmes brillants, modèles de réussite sociale, mais qui perdent subitement leurs repères. Une brèche s'ouvre en eux et fait ressurgir l'expression de leurs désirs, de leurs malaises, le poids d'un passé souvent douloureux. Ils quittent ainsi leur quotidien pour bel et bien basculer "Au nord de nulle part".
L'écriture de Janette Turner Hospital est particulièrement dense mais elle est aussi d'une poésie rare. Les descriptions sont toujours minutieuses, elles fourmillent de détails, on est proche de l'univers de la photo ou du cinéma. Parfois aussi, la narration fait place à des blancs, des vides, que le lecteur doit combler. Pour parvenir à s'immiscer dans l'univers si particulier de Janette Turner Hospital, il faut se détacher des repères spatio-temporels traditionnels, se détendre, prendre son temps et se laisser aller à la rêverie.