Un coup de coeur de Mollat
Le propos d'Anthony Beevor est de raconter par le menu ces combats, depuis le lancement de la grande offensive soviétique à la mi-janvier 1945 jusqu'au défilé de la victoire de l'Armée rouge, le 9 mai 1945.
Ce qui pourrait paraître rebutant de prime abord, à savoir le récit méticuleux d'une opération militaire, se révèle être une oeuvre d'un grand souffle, qui mène le lecteur à travers tous ces tragiques événements, sans que la tension ne retombe, sans que l'ennui n'ait le temps de s'installer. Car l'auteur emploie une recette qu'il avait déjà utilisée dans son précédent ouvrage, consacré à la bataille de Stalingrad, à savoir ramener cet affrontement de titans à la taille humaine en citant en permanence journaux, lettres, témoignages ou déclarations des combattants comme des simples civils.
Antony Beevor a bénéficié de l'ouverture de certaines archives, qui lui permettent de relativiser certaines déclarations, ou de mettre à mal certains mythes, comme celui de la juste vengeance des soldats russes, après la dure occupation de la Mère Patrie par l'armée allemande ; juste vengeance qui s'avère être en fait un déferlement de violence souvent gratuite ou fortement imprégnée d'alcool, dont les premières victimes furent les femmes, qu'elles fussent allemandes, polonaises, ukrainiennes, ou russes.
Outre cet immense drame humain, du côté allemand, comme du côté russe (les hommes sacrifiés comme du bétail, l'action paranoîaque du NKVD, qui arrête ou déporte en masse, notamment ceux qu'il vient de libérer...), le livre restitue aussi le jeu de Staline qui manipule facilement les alliés, et surtout Eisenhower. On voit bien comment il prépare l'après-guerre politique en donnant des fausses informations sur ses objectifs de manière à arriver le premier à Berlin, à occuper le maximum de territoires, mais aussi l'après-guerre économique et militaire en faisant démonter les usines allemandes et en "recrutant" les savants.
Un nouvel éclairage, rasant, sur un évènement clé de la seconde guerre mondiale. Nécessaire.