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Gerhard Richter (1932- )

Un dossier de
Publié le 22/11/2025
L'oeuvre puissante de Gerhard Richter à laquelle la Fondation Vuitton consacre une exposition magistrale ne cesse d'interroger notre rapport à la réalité, à la mémoire et à la Vérité. Une oeuvre plus que jamais actuelle !

Un parcours entre deux Allemagnes

Gerhard Richter, né en 1932 à Dresde, est aujourd'hui considéré comme l'un des peintres les plus importants et les plus influents de l'époque contemporaine. Son parcours artistique, marqué par la division de l'Allemagne, reflète les tensions et les contradictions du XXe siècle européen.
Formé initialement en République démocratique allemande, Richter étudie à l'Académie des Beaux-Arts de Dresde où il apprend les techniques du réalisme socialiste. Cette formation académique rigoureuse lui donne une maîtrise technique exceptionnelle qui caractérisera toute son œuvre. Cependant, en 1961, quelques semaines avant la construction du Mur de Berlin, il prend la décision cruciale de fuir vers l'Ouest. À Düsseldorf, il découvre l'art occidental contemporain : l'expressionnisme abstrait américain, le pop art, Fluxus. Ce choc esthétique sera déterminant.
Richter développe alors une approche radicalement nouvelle. Plutôt que de choisir entre figuration et abstraction, il refuse ce dilemme et explore simultanément les deux voies. Ses "photo-paintings" des années 1960, réalisés d'après des photographies qu'il floute délibérément, interrogent la nature même de la représentation. Ces œuvres, troublantes et énigmatiques, semblent osciller entre netteté et dissolution, entre présence et absence.

Une œuvre protéiforme et radicale

Ce qui distingue Gerhard Richter dans le panorama de l'art contemporain, c'est son refus obstiné de se laisser enfermer dans un style unique. Là où la plupart des artistes développent une signature reconnaissable, Richter pratique ce qu'on pourrait appeler une "infidélité stylistique" systématique. Il passe des peintures abstraites gestuelles aux portraits photographiques flous, des monochromes aux paysages romantiques, des séries conceptuelles aux grandes compositions abstraites réalisées avec de grands racloirs.
Ses œuvres abstraites créent des surfaces d'une complexité vertigineuse. Couche après couche, Richter construit et détruit simultanément, révèle et dissimule. Le résultat est d'une beauté ambiguë : ces toiles peuvent sembler tantôt majestueuses, tantôt décoratives, une ambivalence que l'artiste assume pleinement.
Parmi ses séries les plus marquantes, 18 Octobre 1977 (1988) représente un tournant. Ces quinze tableaux gris, basés sur des photographies des membres de la Fraction Armée Rouge retrouvés morts en prison, constituent une méditation poignante sur la violence politique, la mémoire collective et les limites de la représentation. En floutant ces images déjà médiatisées, Richter crée une distance critique tout en maintenant une charge émotionnelle intense.

Aujourd'hui nonagénaire, Richter continue de travailler et d'exposer. Son influence sur les générations suivantes d'artistes est immense. Il a démontré qu'à l'ère de la reproduction mécanique et numérique des images, la peinture conserve une pertinence et une nécessité. Son œuvre, d'une cohérence paradoxale dans sa diversité même, pose des questions essentielles : qu'est-ce que voir ? Qu'est-ce que peindre peut encore signifier ? Comment l'art peut-il témoigner de l'histoire sans prétendre la maîtriser ?

 

Monographies, catalogues d'exposition sur Gerhard Richter

Catalogue raisonné de Gerhard Richter

Textes de ou sur Gerhard Richter