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L'imaginaire et son impact dans la perception du lecteur

Une actualité de Libraires BD - Manga
Publié le 01/09/2023
A l'occasion de la parution de la pépite "Ultrasons" aux éditions Cambourakis, nous vous proposons d'explorer, grâce à quelques ouvrages, l'impact de la création et de l'imaginaire d'un artiste chez le lecteur.

La création de l’imaginaire et les choses qui y sont liées sont des outils puissants. 

Intégré à la fonction du récit ou au travail de l’artiste, l’imaginaire peut apporter de nombreuses choses mais également nous présenter de nouveaux mondes, de nouvelles vies et d’autres choses formidables pour peu que l’originalité fasse partie de l’équation.

L’imaginaire et la création sont aussi des outils de manipulation. Tordre l’esprit du lecteur ou du protagoniste pour le faire adhérer à son monde, lui faire croire à certaines choses et l’emporter avec lui.

C’est avec ce formidable outil que certains auteurs ont travaillé récemment. Nous pouvons citer Jeff Lemire et Andrea Sorrentino mais aussi Conor Stechschulte et Vincenzo Balzano.

Qu’est ce qui est vrai ? C’est la question propre à toute fiction. Qu’est ce qui pourrait arriver dans notre monde ? Dans le leur ? Est-ce suffisamment réel pour que tout cela fasse illusion ?

Avec Les Mythes de l'ossuaire, le scénariste Jeff Lemire et le talentueux dessinateur Andrea Sorrentino nous proposent de plonger dans les méandres de la réalité. Avec Le Passage, le personnage de John Reed est confronté à son passé symbolisé par un puits sans fond. Sorte de purgatoire de l’esprit, ce trou est également l’occasion pour lui de remodeler une vérité qui lui a échappé : la mort accidentelle de sa mère. Cette abîme agit sur lui comme une restructuration de ses souvenirs, son imaginaire l’ayant rendu responsable de ce tragique accident. Toute personne ayant vécu une chose aussi tragique pourrait réagir comme John, notre esprit a ce pouvoir. Celui de nous confondre et de s’inséminer dans nos souvenirs pour en changer le cours. Le Passage représente et se sert de l’imaginaire pour nous mettre face à une réalité : les souvenirs peuvent être brumeux et emplis de mensonges.
Il en est de même avec le second volume de cette anthologie. Dans Des milliers de plumes noires, Trish perd son amie d’enfance. Plusieurs années après, elle semble avoir occulté cet événement mais tente tout de même d’en percer le mystère. Dans ce récit, c’est l’écriture (Trish étant romancière) et les mondes de l’imaginaire qui façonnent le parcours de Trish. Un étrange pouvoir semble être né de sa plume. Et l’attachement et la culpabilité sont l’encre de cette écriture. Qu’est ce qui est réel ? C’est ce que Trish devra découvrir si elle veut ramener son amie.
Armé de la puissance de l’esprit, le leur et celui du lecteur, Jeff Lemire et Andrea Sorrentino ont réussi à construire et à convaincre que parfois la fiction peut rattraper le réel. Et il en sera de même avec leur nouveau cauchemar intitulé Tenement déjà disponible en publication mensuelle aux Etats-Unis. 

En août 2023 est paru une pépite. Un ouvrage du paysage de la bande dessinée indépendante intitulé Ultrasons. Écrit et dessiné par Conor Stechschulte, l’histoire de ce tour de force nous présente le personnage de Glenn. Ce dernier, par une nuit pluvieuse, tombe en panne et est recueilli par Art et sa femme Cyndi. De prime abord extrêmement avenant, Art va dérouter notre protagoniste en lui proposant d’avoir une relation sexuelle avec sa compagne. Par la suite, tout va s’emballer pour Glenn et sa compagne de fortune Cyndi. Un jour, nos deux protagonistes vont, par la force des choses, être confrontés à une réalité étrange et des plus nébuleuses. Sont-ils victime de manipulation ? Nos protagonistes inventeraient-ils leurs péripéties pour échapper à un quotidien morose ? Tout cela vous le découvrirez en découvrant le petit bijou qu’est Ultrasons.
Avec son roman graphique, Conor Stechschulte arrive à entraîner l’esprit de ses personnages mais également de son lectorat en insufflant une ambiance délicieusement paranoïaque à l’ensemble. Digne du Scanners de David Cronenberg, de Twin Peaks de David Lynch mais aussi de l’atmosphère délicieusement anxieuse et méfiante de la série X-Files. Nous doutons de la réalité autant que Glenn. Le gimmick du twist étant utilisé avec une justesse folle, la réalité dépeinte en fin d’ouvrage est douce-amère et nous laisse èrer dans un brouillard de confusion.

Et enfin, il y a quelques mois de cela, le très italien Vincenzo Balzano propose une fort belle et intrigante fiction historique avec Adlivun. En 1846 les deux navires HMS Erebus et Terror sont portés disparus. Lors d’une expédition en Antarctique visant à cartographier les océans, les vaisseaux sont pris dans la glace et les marins n’ont plus jamais donné signe de vie. Aujourd’hui encore leur cas reste un mystère. C’est avec ce point de départ des plus alléchants que Balzano construit son récit. Prenant la forme d’une mission de sauvetage grâce au navire Mary Celeste, l’histoire décide d’emprunter le virage du fantastique pour expliquer cette disparition. Lorgnant aux frontières de la folk-horror, Adlivun surprend en tentant de nous expliquer ce qui a bien pu se passer lors de cet hiver 1846 tout en construisant sa propre réalité grâce à l’imaginaire de l’artiste.


Comme vous avez pu le constater avec ces quelques exemples, l’imaginaire est une puissante construction de l’esprit. Il nous fait douter, explorer, s’interroger pour démêler les fils de la vérité. Il peut également essayer de nous convaincre avec Adlivun, de nous remettre en question avec Le passage mais aussi de nous faire douter de ce qui nous entoure avec Ultrasons. Intra comme extra diégétiquement, les artistes sont de réels magiciens accompagnés d’un allié de choix, celui qui brouille les frontières, celui qui nous manipule souvent pour notre plus grand plaisir. 

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