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La psychanalyse de l'enfant

Publié le 08/01/2004
Retracer l'histoire de la psychanalyse de l'enfant c'est remonter aux sources mêmes de la psychanalyse...

Retracer l'histoire de la psychanalyse de l'enfant c'est remonter aux sources mêmes de la psychanalyse. Sigmund Freud lui-même a travaillé dans des services de pédiatrie et la Société psychanalytique s'est très vite intéressée à la sexualité des jeunes enfants.

La période de l'enfance s'avère déjà comme un moment crucial de la vie psychique. Ainsi, à Vienne, les fervents adeptes des "séances du mercredi soir" de Freud trouvaient en leurs propres enfants leurs sujets d'observation. Herbert Graf, fils de Max Graf, membre de ces soirées psychanalytiques, fut ainsi observé dans ses premières années avant de devenir phobique et de suivre une thérapie psychanalytique. C'est le petit Hans des fameuses Cinq psychanalyses (PUF) de Freud. Gustave Jung à Zurich s'intéresse lui aussi au traitement des enfants et plus particulièrement à l'observation de sa propre fille Agathli.

Mais c'est surtout à deux femmes que l'on doit l'essor de la psychanalyse de l'enfant.

Anna Freud (1895-1982) est la sixième enfant de Sigmund Freud avec qui elle entretient une relation privilégiée. Elle est membre de la société psychanalytique de Vienne en 1922 à l'âge de 27 ans, mais n'ayant pas le statut de médecin, elle ne peut alors pratiquer l'analyse d'adultes; aussi devient-elle officiellement psychanalyste d'enfants.

Mélanie Klein (1882-1960) entreprit en 1914 à Budapest une analyse avec Sandor Ferenczy interrompue par la guerre mais qu'elle reprendra à Berlin en 1924 avec Karl Abraham qui meurt l'année suivante mais en qui elle aura trouvé un maître à penser. C'est en 1923 que Mélanie Klein devient elle-même membre de la Société psychanalytique de Berlin, puis de celle de Londres en 1927 où elle s'installe définitivement. Contrairement à Mélanie Klein qui envisage de pouvoir entreprendre d'emblée des cures analytique avec les enfants, Anna Freud s'intéresse plutôt à une éducation psychanalytique capable d'assurer la prévention de la névrose; elle admettra cependant plus tard que malgré quelque progrès partiels, il ne peut y avoir véritablement de prévention. Parmi ses principaux travaux notons ses recherches sur les mécanismes de défense ainsi qu'une attention continue à la formation des analystes.
Melanie Klein tente de reconstituer petit à petit le monde interne du jeune enfant et définit ou redéfinit la position dépressive, schizoïde ou parle encore d'œdipe primitif. Elle réfute l'hypothèse d'Anna Freud du danger lié à la libération des pulsions chez l'enfant en l'absence d'un surmoi constitué; elle démontre à partir de ses cas cliniques l'existence d'un surmoi précoce chez l'enfant.
Elle remarque d'autre part que le mode naturel d'expression de l'enfant étant le jeu, il était ainsi possible de l'utiliser comme moyen de communication avec l'enfant. Le jeu permettant à l'enfant de mettre en scènes ses fantasmes inconscients, sa technique consistera à analyser le jeu exactement comme on analyse les rêves et les associations libres chez l'adulte en interprétant les fantasmes, les conflits, les défenses. Anna Freud refusera quant à elle de voir derrière chacun de ces gestes une valeur symbolique.

L'émulation provoquée par les multiples oppositions de ces deux psychanalystes a sans doute permis à la psychanalyse de l'enfant de progresser à pas de géants. Chacune fut à l'origine d'une école, viennoise autour d'Anna Freud, anglaise autour de Mélanie Klein.
La Grande-Bretagne plus particulièrement connut un engouement tout particulier pour la psychanalyse de l'enfant. Parmi tous les psychanalystes, il faudrait  mentionner Donald Woods Winnicott (1896-1971) qui malgré ses bonnes relations avec Mélanie Klein, sut rester indépendant et afficher même ses divergences. Winnicott semble avoir recherché avant tout "le parcours de l'être humain, de la dépendance extrême à l'acquisition de l'autonomie (...) dans l'étude approfondie des interrelations entre le vécu de la mère et celui de son enfant".

Aux Etats-Unis, on retiendra les travaux de Bruno Bettelheim (1903-1990), psychanalyste d'origine autrichienne dont la déportation à Dachau puis à Buchenwald initiera ses premiers travaux sur les attitudes humaines face à des situations extrêmes. Il crée en 1947 l'Institut Orthogénique de Chicago où il travaille avec des enfants autistes, l'autisme prenant selon lui racine dans un traumatisme survenu dans la petite enfance (La Forteresse vide - Folio). On connaît bien sûr de lui sa Psychanalyse des contes de fées (Robert Laffont/Pocket).

Eugénie Sockolnicka et Sophie Morgenstern ont été les premières à introduire en France la psychanalyse de l'enfant avec une empreinte « annafreudienne ». Mais il n'y eut pas de véritable intérêt avant les années 1940. La psychiatre et psychanalyste Françoise Dolto (1908-1988) fut initiée à la psychanalyse par Sophie Morgenstern avec qui elle travaillait en milieu hospitalier. Durant la guerre elle est seule à exercer en tant que psychanalyste d'enfants, à l'écart ainsi des grands courants annafreudiens et kleiniens. Sa notoriété, ce "rôle de gourou qu'on finit par lui faire jouer" la fait mettre à l'écart de la communauté psychanalytique. Mais ni son intuition magistrale, ni sa connaissance instinctive ni son style très personnel ne seront remis en cause. Dans les années 1970, elle se tourne alors vers la vulgarisation et devient une personnalité médiatique que des émissions de radio consacreront.

On terminera enfin ce lacunaire survol historique de la psychanalyse de l'enfant en mentionnant le nom de Serge Lebovici (1915-2000) qui fit connaître en France Anna Freud, Mélanie Klein et Donald Winnicott et défendit la spécificité de la formation des psychanalystes d'enfants. Il développera sa recherche vers la psychiatrie du nourrisson et les interactions précoces parents-bébés. De 1973 à 1977 il sera le premier français à assurer la présidence de l'IPA et plus tard deviendra le président de l'Association Mondiale de Psychiatrie du Nourrisson.

Isabelle Soulié

Bibliographie