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Laura Kasischke 1

Publié le 05/11/2008
Portrait d'une grande dame de la littérature américaine qui nous rendra visite le 20 novembre 2008 à 18h.
Elle pourrait être votre voisine. On l'imagine bien balayer le palier de son pavillon, le visage vaguement caché derrière ses bouclettes, le regard empreint d'une vague mélancolie. Mais on ne se méfie jamais assez. Car derrière ces apparences trompeuses, cette femme de 47 ans est l'ennemie publique numéro un de la middle class américaine. Son arme ? La plume, qu'elle a froide et acérée. On la connaît surtout aux Etats-Unis pour ses recueils de poésies, qui ont obtenu de nombreuses distinctions, dont le prestigieux Hopwood Awards. En France, ce sont ses romans qui, pour l'instant, ont eu les faveurs de la traduction. Au nombre de six, ils font preuve d'une formidable cohérence dans le projet romanesque de Laura Kasischke.

A l'aide d'une écriture élégante et chargée de symboles, elle nous dépeint le quotidien aseptisé de femmes, toujours de femmes, qu'on supposerait sans histoire. Mais elle va user de son formidable talent  pour bousculer ses personnages, aller chercher les zones d'ombres enfouies dans leur passé et les précipiter dans les ténèbres. Ses héroïnes sont comparables à des ballerines qui danseraient au-dessus d'un volcan. La menace plane, se fait insistante, le danger inéluctable. On sait qu'elles vont tomber, mais on ne sait jamais à quel moment, ni de quelle manière. Le tableau, blanc comme un cygne (oiseau et symbole récurrent chez Kasischke) va alors se couvrir peu à peu de points noirs, puis de rouge sang. Point de morale chez Kasischke, juste une vision objective et poétique sur son environnement. On sent une certaine gémellité avec Joyce Carol Oates pour son univers lourd et tout en menace, ainsi qu'une lointaine descendance avec Baudelaire pour la douce mélancolie qui émane de son texte et son génie des images. Au final, le grand mérite de cette grande dame de la littérature américaine est de parvenir à faire du glauque un hymne à la beauté.

A Suspicious River
Leila est réceptionniste depuis plusieurs années dans un Motel à Suspicious River, une petite ville tranquille du Michigan. Elle n'a que vingt-quatre ans, mais déjà un lourd passé semble peser sur ses épaules. Un jour, pour quelques dollars, Leila se vend avec la location de la chambre. Cette pratique, sans plaisir ni réel but financier, se fera de plus en plus fréquente et ira de pair avec une propension autodestructrice. Ce premier livre de Kasischke est d'une puissance rare et projette directement son auteur au rang des grands stylistes de la littérature contemporaine. Une mention spéciale à sa traductrice, Anne Wicke, qui a sue parfaitement retranscrire la force du texte d'origine.

Un oiseau blanc dans le blizzard
Le décor pourrait servir de fond aux films kitch de Bollywood : une jolie petite banlieue résidentielle, un père BCBG, une mère dévouée au confort de sa petite famille, une fille qui vient de tomber amoureuse... Mais cette trop belle vitrine va voler en éclats le jour où la mère quitte la maison, sans un mot ni raison apparente. Katrina, la fille, va alors passer ses nuits à essayer de comprendre, de pénétrer les lourds secrets refoulés de sa mère. Et si la réalité était encore plus terrifiante et inavouable ? Une fois de plus un très grand roman, écrit à coup de griffes, qui grince comme ces craies sur les vieux tableaux d'école.

La vie devant ses yeux
Diana McFee est une femme comblée : séduisante quadragénaire, de l'argent, elle partage sa vie avec un mari cultivé et une jolie petite fille. Mais un dramatique souvenir d'enfance va peu à peu resurgir, d'abord insidieusement, puis d'une manière de plus en plus menaçante, voire violente. Une descente aux enfers magistralement orchestrée, jusqu'à cette troublante scène finale qu'on se sent obligé de relire, comme si notre cerveau ne voulait pas accepter la terrible vérité.

Rêves de garçons
Trois pom-pom girls, cheveux au vent au volant d'une Mustang décapotable, croisent deux ados dans une station service. Un sourire aguicheur de la plus jolie d'entre elles, et voilà qu'elles se feront suivre un peu plus longtemps qu'elles ne l'auraient souhaités. La grande force de ce roman est de distiller un suspense de plus en plus pressant, de plus en plus féroce. On sent que la catastrophe est imminente, inévitable, mais on ne sait pas quand ni comment elle va se produire. Ce roman aux allures de légende urbaine s'attache à détourner avec fureur certains stéréotypes de la société américaine.

A moi pour toujours
La narratrice, Sherry Seymour, est en pleine crise de la quarantaine. Son travail de professeur à l'université ne lui réserve plus aucune surprise, son couple semble condamné à la routine conjugale, son fils unique est parti et son père est malade. Alors, quand elle reçoit un mystérieux billet de Saint-Valentin qui déclare "Sois à moi pour toujours", elle est d'abord flattée, puis brûle de connaître l'auteur de ce message. On entre alors dans la zone dangereuse, faite de malentendus, de quiproquos et de perversité et qui entraîne les personnages dans un dénouement forcément tragique.

La couronne verte
Trois adolescentes - Terri, Anne et Michelle - vont passer pour la première fois leurs vacances loin du cocon familial. Arrivées à Cancun, au bord du Yucatan, dans l'enfer d'une jeunesse dorée ivre d'alcool, de flirts et de musique, elles croiseront la route d'un inconnu qui leur proposera de les conduire jusqu'aux ruines dédiées au dieu Quetzalcoatl, le serpent à plume vénéré par les tribus maya. Et si cette excursion, aux allures d'émancipation et de perte de l'enfance, était sans retour ? Avec sa plume froide et poétique, Laura Kasischke nous offre une histoire troublante et inquiétante, avec un sens du suspense stupéfiant.

Bibliographie