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Le questionnaire pour auteurs confinés #2 Sylvie Le Bihan

Une actualité de Pierre
Publié le 16/04/2020
Sylvie Hazebroucq a conçu un questionnaire que nous avons soumis aux auteurs, confinés comme tout le monde. Entre état d'âme et état des lieux ils nous parlent de leur vie d'aujourd'hui. Cette semaine Sylvie Le Bihan
Le questionnaire pour auteur confiné de Sylvie Hazebroucq pour la librairie Mollat
#2 Sylvie Le Bihan

1. Qu’est-ce qui vous ferait plaisir ? 
j’aimerais que la sortie du confinement fasse apparaître de nouvelles habitudes de vie. Plus de bienveillance, de respect, de partage et de pensée dans notre rapport à la vie. Qu’on prenne le temps!

2. Quel est le temps fort de vos journées en ce moment ? 
 je passe mes journées (8h/18h) à bricoler! Je ponce, je peins, je fais de l’enduit, je pose du mastic...

3. À quel récit littéraire vous fait penser le mot confinement ? 
 « L’étranger » de Camus, lorsque le personnage principal attend son procès dans sa cellule. Passer subitement de la liberté à l’entrave, c’est bouleversant.

4. Dans quel livre aimeriez vous être confinée ? Avec quel (s) personnage (s) ?
Dans « La nature exposée » de Erri De Luca, être confinée avec ce sculpteur qui me donnerait des leçons de solidarité, de compassion et de poésie.

5. Dans quelles circonstances vous viennent vos grandes idées ? Regrettez-vous vos grandes idées quand vous les appliquez ? 
 je suis quelqu’un de très manuel et lorsque je bricole ou que je jardine, les idées se bousculent dans ma tête. C’est ce qui se rapproche le plus d’une méditation, j’occupe mon corps à des tâches répétitives et mon esprit se libère. Malheureusement, ce ne sont pas toujours de « grandes idées » et je m’en rends compte rapidement lorsqu’il me faut les retranscrire...

6. Quelles odeurs vous font chavirer ? 
 il y a celles liées à la nourriture, le pain grillé surtout, un souvenir d’enfance, de protection, le sentiment que rien ne pourra m’atteindre. Et puis celles de la campagne, le feu de bois, l’herbe coupée, les feuilles humides et l’odeur particulière des vaches quand on les ramène à l’étable, ça m’apaise...

7.Quel souvenir vous rassure ?
Aucun. C’est l’avenir qui me rassure, celui que je vais construire, ces rêves qui deviennent des projets. Je n’ai que très peu de souvenirs, je trouve ça très encombrant! 

8.Qu’est-ce qui peut vous rendre dépendant? êtes-vous, par exemple, menacé d’addiction actuellement ? 
La cigarette... Je voulais arrêter en avril mais c’est mal parti!

9. Une émotion vous submerge : quel endroit de votre corps trinque le plus ? Comment ? 
Le ventre! Picasso disait que c’était comme un grand soleil et pour moi, le ventre est le centre de toutes mes émotions.

10. Quel geste ou mouvement effectuez-vous tout le temps sans vous en rendre compte ? Pourquoi faire ? Est-ce que ça marche ? 
Je m’étire. Régulièrement, pour détendre mes épaules, mon cou, mes bras, je le fais a longueur de journée et ça me fait un bien fou

11. Qu’êtes-vous susceptible de faire quand vous perdez le contrôle ? cochez la ou les bonnes réponses : 
allumer une cigarette | fermer longuement les yeux |réviser les gros mots que vous connaissez | dire n’importe quoi si possible très fort |exécuter une figure de yoga quel que soit le lieu où vous vous trouvez |nommer calmement les raisons de votre énervement | passer compulsivement des coups de téléphone | jeter ce qui se trouve sous votre main | effectuer des tâches ménagères | regarder des séries successivement | boire un remontant avec une personne douée d’une écoute reposante | faire du sport | vous isoler | lire un livre .
à qui avez vous piqué ce geste et depuis quand ? 
 j’allume une cigarette, je nomme calmement les raisons de mon énervement, m’isoler.

12. Citez une de vos caractéristiques que vous aimez et détestez à la fois ? en quoi ?
 je suis à la fois très « bordélique » et obsessionnelle du rangement. En fait, je fais des petits tas partout ce qui énerve les gens de ma famille! En cette période de confinement, je répare tout ce que je n’ai pas pu faire, par manque de temps, l’idée est louable mais il y a des pinceaux partout! Je le vis très bien car sous le désordre envahissant, tout est programmé dans ma tête

13. Quelle lecture vous console ? Précisez.
 « La source vive » de Ayn Rand, l’histoire d’un architecte/artiste qui résiste à l’abrutissement de la société. Une sorte d’égoïsme sain qui me conforte dans l’idée qu’être fidèle à ses valeurs peut nous rendre heureux(se) malgré ce que les autres pensent.

14. Qu'écrivez-vous en ce moment ? un extrait ? 
 je n’écris rien. L’atmosphère est anxiogène, je ne regarde pas les informations, je n’écoute pas la radio, mais je ne peux pas m’empêcher de penser à l’après et ça m’angoisse car je sens que rien ne va changer. Je me demande souvent ce que nous, auteur(e)s allons bien pouvoir apporter et comme mes livres sont loin d’être « feel good », je bloque

15. Comment écrivez-vous en ce moment ?
 ...

16. Quel genre de littérature correspond à votre sommeil ?
Les romans policiers sans violence. J’aime les intrigues des polars nordiques et puis me souvenir de tous les prénoms, ça m’endort!

17. Avez-vous une question récurrente ou tout à fait liée à la situation ? laquelle ? d’où vient elle ? 
"Que fait-on de nos vies?"
Je me pose souvent la question, j’en parle avec mes enfants, avec mes parents, que fait-on chaque jour pour rendre nos vies meilleures? C’est une interrogation qui m’est venue après avoir échappé à la mort à 17 ans, depuis, je tente de donner un sens à tout ce que je fais et c’est très compliqué...

18. Si internet disparaissait, à qui écririez vous une lettre ? que dirait elle ?
Depuis le début du confinement, le réseau est très mauvais, je suis dans une « zone blanche » et je n’ai écrit à personne. Je crois que si j’engageais une relation épistolaire, ce serait avec mon grand-père breton que j’ai peu connu, pour qu’il me raconte sa vie, les deux guerres, la Bretagne sous l’occupation, son petit coté « Le Sang Noir » de Louis Guilloux...

19. Avez vous un échange sous forme de correspondance avec quelqu’un actuellement ? que vous apporte cette écriture-lecture ?
Oui, avec mon cousin qui est aux urgences d’un hôpital à San Francisco, pour avoir de ses nouvelles et lui remonter le moral. Et aussi avec un auteur qui vit a New York, nous échangeons sur nos quotidiens et sur ce que nous ferons après. C’est comme un fil auquel on se raccroche.

20. Comment vivez-vous l’interdit en général ? Aujourd’hui précisément ?
En général, je défends toutes les libertés, je suis la première à me battre contre toutes formes de censure ou d’entrave, « Sans la liberté » de François Sureau est un texte magnifique qui m’a bouleversée. Mais là, j’obéis, je me plie aux règles du confinement car c’est pour le bien de tous et que je pourrais, sans le savoir, être un danger potentiel pour les autres. Mais j’espère que ce temps de réflexion va nous aider à mieux apprécier la chance que nous avons de vivre dans un pays aussi libre...

lire Sylvie Le Bihan

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