1. Qu’est-ce qui vous ferait plaisir ? 
Un spritz à San Lorenzo, Rome.

2. Quel est le temps fort de vos journées en ce moment ? 
Mes journées n’ont pas changé sauf que je refends plus de bois. Le bois ?

3. À quel récit littéraire vous fait penser le mot confinement ? 
Au "Seigneur des porcheries", le magistral roman de Tristan Egolf.

4. Dans quel livre aimeriez vous être confinée ? Avec quel (s) personnage (s) ?
J’aimerais être Georges Duroy dans "Bel Ami", de Maupassant.


5. Dans quelles circonstances vous viennent vos grandes idées ? Regrettez-vous vos grandes idées quand vous les appliquez ? 
Quand je n’écris pas. J’écris quand je n’écris pas  Lors d’une activité mécanique, répétitive : bricolage, conduite, pêche ? Quand je ne m’y attends pas.

6. Quelles odeurs vous font chavirer ? 
J’aime bien l’odeur du bois à l’automne, quand les feuilles de châtaigniers commencent à pourrir et que les trompettes de la mort les soulèvent. Ou l’odeur de la fumée de cigarette quand j’ai décidé d’arrêter de fumer.

7.Quel souvenir vous rassure ?
Les plages de la Corse du Sud ou du Désert des Agriates, mais je deviens vite mélancolique. Le seul souvenir de plénitude, c’est par-dessus la faille de l’Atlantique Nord, quand l’équipage dormait, que j’étais à la barre, et que je faisais du surf sur les vagues de six mètres alors que je suis à peine marin.

8.Qu’est-ce qui peut vous rendre dépendant? êtes-vous, par exemple, menacé d’addiction actuellement ? 
Une femme. Je suis menacé d’addiction pour une femme depuis très longtemps.

9. Une émotion vous submerge : quel endroit de votre corps trinque le plus ? Comment ? 
La partie supérieure gauche de mon dos. Mais ça ne vient pas des émotions, ça vient d’une double fracture vertébrale suivie d’une triple fracture de la tête humérale de mon épaule gauche.

10. Quel geste ou mouvement effectuez-vous tout le temps sans vous en rendre compte ? Pourquoi faire ? Est-ce que ça marche ? 
Je m’en rends parfaitement compte mais je le fais a minima vingt fois par jours. C’est une forme de prière, de conjuration du sort. Le geste est précis mais c’un secret. Mes enfants essaient de le décoder mais n’y arrivent jamais. Ils chauffent. C’est mon horizon.

11. Qu’êtes-vous susceptible de faire quand vous perdez le contrôle ? cochez la ou les bonnes réponses : 
allumer une cigarette | fermer longuement les yeux |réviser les gros mots que vous connaissez | dire n’importe quoi si possible très fort |exécuter une figure de yoga quel que soit le lieu où vous vous trouvez |nommer calmement les raisons de votre énervement | passer compulsivement des coups de téléphone | jeter ce qui se trouve sous votre main | effectuer des tâches ménagères | regarder des séries successivement | boire un remontant avec une personne douée d’une écoute reposante | faire du sport | vous isoler | lire un livre .
à qui avez vous piqué ce geste et depuis quand ? 

L’alcool et la drogue : ça me fait dire n’importe et toujours trop fort.


12. Citez une de vos caractéristiques que vous aimez et détestez à la fois ? en quoi ?
Mes vrais amis disent que je suis fou. J’aime bien, je n’aime pas du tout.
Comment vivez-vous vos contradictions en général ?

Mieux. J’en suis arrivé à haïr la tyrannie de la cohérence qui caractérise la vie contemporaine. C’est une pression sociale et psychologique à tendance totalitaire. Je suis complètement incohérent et je le revendique. C’est l’essence même d’une personnalité. Mais ça me travaillait beaucoup à 17 ans.

13. Quelle lecture vous console ? Précisez.
Je ne lis jamais de livres consolatoires. Je n’aime que la littérature qui me met en danger.

14. Qu'écrivez-vous en ce moment ? un extrait ? 
Je corrige un roman qui va sortir en octobre et j’en écris un autre qui paraîtra en mars 2021, sans doute.

Celui de mars : « Le conducteur de la Peugeot 402 Légère a trente-trois ans. »


15. Comment écrivez-vous en ce moment ?
Comme d’habitude, assis ! Je suis un écrivain  à chaises. Du coup, pas plus de cinq heures par jour. Cependant, n’importe où et n’importe quand.

16. Quel genre de littérature correspond à votre sommeil ?
Du russe très volumineux genre Dosto ou Guerre et paix ou Ulysse de Joyce. Pas pour le contenu mais pour le nombre de pages : un livre assommant. J’ai un sommeil de plomb. Je ne rêve que sur le matin, si je me rendors. Et quand je rêve, ça ressemble plutôt à Mulholland Drive de David Lynch. Tous les rêves sont visuels et ressemblent à Mulholland Drive.

17. Avez-vous une question récurrente ou tout à fait liée à la situation ? laquelle ? d’où vient elle ? 
Pourquoi?
De mon parcours scientifique peut-être, de math sup jusqu’à mon doctorat de Science politique. Je ne me veux plus savoir COMMENT, même si je me suis rassuré avec cette question longtemps. Mais j’en suis arrivé à la conclusion temporaire que je n’apprécie pas tant que ça le désenchantement du monde. La vraie question est toujours : POURQUOI ?

18. Si internet disparaissait, à qui écririez vous une lettre ? que dirait elle ?
J’ai déjà répondu à cette question. Se reporter au n°8 (supra).

19. Avez vous un échange sous forme de correspondance avec quelqu’un actuellement ? que vous apporte cette écriture-lecture ?
Oui, j’ai un échange avec un autre romancier. Une vraie correspondance. Je le connais depuis peu mais nous avons fraternisé, comme une révélation. D’être lu d’égal à égal et de lire d’égal à égal. Une amitié sincère et intéressée.

20. Comment vivez-vous l’interdit en général ? Aujourd’hui précisément ?
Très bien. Aujourd’hui particulièrement. Un romancier fixe toujours ses propres contraintes. Pour moi, c’est l’une des matrices de la création avec le plagiat. C’est la contrainte qui génère la liberté.