Un coup de coeur de Mollat
Leng tch'e ou la mort aux mille coupures, fameux supplice qui nous fiche régulièrement le frisson quand on tombe sur une des rares photos de ce cérémonial chinois de torture. C'est sous ce sanglant auspice que débute le nouveau roman de DOA, acronyme mystérieux qui cache un des romanciers noirs les plus cinglants du moment. Citoyens clandestins, son précédent roman paru en série Noire grand format nous avait favorablement impressionné par ses qualités quasi-balistiques : documentation impressionnante qui ne laissait pas de place au soupçon d'amateurisme, efficacité narrative au service d'un scénario subtil et retors. Contrairement à son prédécesseur, Le serpent aux mille coupures joue la carte de la concision : un peu plus de deux cent pages d'action, alliant efficacité et percussion ; et si l'on voulait poursuivre dans une métaphore plutôt rare on imaginerait passer du fusil Vintorez au mini-UZI (les connaisseurs apprécieront, les autres subiront le charme inquiétant de ces dénominations meurtrières) : deux manières différentes, mais toutes deux « létales ». Pour mettre dans le bain, on renverra au Dantec première manière des Racines du mal (avant le délire complet en somme) qui indiquera quelques correspondances avec ce mystérieux écrivain. Flotte sur ce titre un parfum indescriptible, à la fois séduisant et addictif, auquel nous ajouterons, pour saluer les qualités de compacité de ce venimeux Serpent, les noms de Richard Stark et de Jean-Patrick Manchette : imaginez une espèce de Petit bleu de la côte ouest où Parker viendrait trainer ses guêtres, suivi de son habituel cortège de coups de feu et de morts violentes...
Tout part donc d'un rendez-vous qui tourne mal : les représentants d'un narco-trafiquant Colombien sont froidement abattus par un motard accidenté qui gisait là et qui allait y passer. S'enchaîne alors un macabre engrenage, où chaque partie va lutter à la vie, à la mort…
Mais considérer Le Serpent comme un simple affrontement entre tueurs serait pour le moins réducteur, car, imperceptiblement, DOA nous emmène au coeur de ce qu'est ou devrait être le roman noir : une vision sans concession d'une société déliquescente, rongée par l'argent sale et les ambitions à la petite ou à la grande semaine, mettant à jour les fameux mécanismes invisibles qui transforment une situation de crise en un écheveau inextricable. Donc, impossible pour moi de vous raconter...
Il est certain qu'à ce train-là, le mystérieux DOA va s'imposer dans ce territoire impitoyable, rejoignez donc ceux qui le verront, peu à peu, prendre de l'importance.
PS : saluons l'humour de la quatrième de couverture, elle éclaire le lecteur SEULEMENT le livre terminé, ça nous change des quatrièmes erratiques (cf le précédent coup de coeur)
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