Un coup de coeur de Mollat
Parmi les quelques écrivaines qui s'y sont risquées, certaines l'ont pourtant fait avec brio : on pense par exemple au premier roman d'Irène Némirovsky intitulé Le Malentendu, on pense aussi plus récemment au très remarqué livre de Diane Brasseur Les Fidélités, ou encore à Azami d'Aki Shimazaki .
Le roman de Belinda Canone, Nu intérieur, fait partie de ceux ci. L'action se passe de nos jours, et l'on suit un homme d'âge mûr, la cinquantaine, qui semble comblé tant par sa réussite professionnelle que par sa vie conjugale. Il vit en couple depuis quelques années avec une femme qu'il ne nommera jamais mais désignera par un qualificatif on ne peut plus lourd à porter : elle est "L'une", la femme choisie, la seule et l'unique. L'homme, architecte brillant, est aussi danseur de tango en amateur. C'est au cours d'une soirée dansante, une « milonga » comme on les appelle, que sa vie va peu à peu basculer -ironie du sort, le terme de « milonga » désigne à la fois soirée dansante et tromperie en espagnol. Notre héros prend pour partenaire une autre jeune femme, moins belle que celle qui l'aime, moins spirituelle aussi, mais qui va lui résister, à l'image du jeu de dominant /dominé qui peut se jouer au tango. Finalement, comme dans le roman d'Irène Némirovsky, il est sera question d'un malentendu ici : une femme suffisamment distante pour se faire désirer, un homme dans l'attente, prix au piège de son désir et qui ne sait pas vraiment pourquoi il tombe sous le charme. L'homme aimera donc deux femmes, ou plutôt se consumera de passion pour sa maîtresse, et tentera d'aimer encore sa compagne.
Nu Intérieur nous plonge ainsi dans les cogitations d'un homme, dans le plus profond de son esprit et de son corps. Il raconte aussi l'histoire d'un feu de paille, une histoire que Belinda Canone réussit à ancrer complètement dans notre modernité - ses textos, ses mails- et à la rendre profondément humaine, vivante.