Une étude du développement du réseau téléphonique dans la Vienne. Elle détaille le maillage progressif du territoire, l'installation des circuits interdépartementaux, le financement public de cet essor technologique, les dysfonctionnements des débuts, le rôle des télécommunications pendant la Grande Guerre, ainsi que leur généralisation entre les années 1930 et 1960. ©Electre 2024

Livrer à la communauté des habitants du département de la Vienne cette histoire du téléphone est doublement nécessaire. D'une part, les technologies des réseaux téléphoniques filaires sont devenues obsolètes, d'autre part, l'entité géographique administrative semble appelée à se fondre dans un espace plus vaste.

Après la fin de la télévision analogique au profit de la télédiffusion numérique terrestre véhiculant la vidéo à haute définition, prévue le 5 avril 2016, Orange (anciennement France Télécom) va mettre fin à son Réseau Téléphonique Commuté (RTC). Ce réseau dit « historique », qui acheminait les communications téléphoniques de ses clients et de ceux des nombreux opérateurs sur un réseau fixe, utilisait des technologies mises en place dans les années 1980 ; il était alors considéré comme le meilleur du monde et le mieux entretenu. France Télécom, société exemplaire où régnait un profond « esprit d'entreprise », perd un à un les employés chargés de la maintenance de ces technologies.

Obsolescence du « 22 à Asnières », du « coup de fil », de la « carte téléphonique » (si ce n'est dans les cartons des collectionneurs), la disparition des cabines annoncée pour le 31 décembre 2016 est la suite logique de ces mutations.

Montrer comment des femmes et des hommes, politiques ou fonctionnaires, ont choisi la technique téléphonique pour sortir un pays de son mutisme et ainsi le structurer fut une entreprise exemplaire. Donner aux villes et au tissu industriel un moyen moderne de communication, mais également très tôt aux familles d'un monde rural en plein essor l'opportunité de sortir de son isolement ne l'est pas moins.

Par l'originalité du thème, par la quantité de la documentation accumulée, par la qualité des deux auteurs, ce livre explicite l'établissement des processus socio-économiques qui régissent aujourd'hui nos comportements. Chacun à sa manière, mais ensemble dans l'étude d'un milieu socioprofessionnel qui les a passionnés et dont ils sont issus, Denise Junger et Pascal Milon fixent dans l'espace et dans le temps une aventure culturelle, c'est-à-dire humaniste, historique et sociale, dont les éléments ont modelé notre façon de vivre, nos gestes pour arraisonner l'autre et nos manières de raisonner le monde. Cet ouvrage, enfin, donne à la communauté scientifique une image de cette collecte d'informations dont les éléments serviront à bâtir l'anthropologie de demain.

Le chemin de fer côtoie toujours le réseau de cuivre, mais les "porcelaines" veuves des fils suspendus quittent nos paysages. Nous sommes passés sans transition des isolants pour communiquer à des fils conducteurs pour sortir de l'isolement, et enfin à la technologie hertzienne. Celle-ci chuinte dans nos portables ses ondes ... ainsi qu'au plus beau jour ; l'air, fluide magique, porte aujourd'hui nos messages de l'instant dans un magma de fables où nos paroles s'abîment en des joutes sans fin.

Max Aubrun,
Conservateur Honoraire des Musées de Chauvigny