Un coup de coeur de David Pigeret
Irving Penn étudie le design à la Pennsylvania Muséum school of Industrial art où l’un de ses professeurs est Alexey Brodovitch, directeur artistique du légendaire Harper’s Bazaar. Il débute vraiment sa carrière magazine, en 1943, au magazine Vogue avec le talentueux Alexander Libermann. Il signa, en quarante de carrière (1943-2004), plus de 165 couvertures du Vogue americain. Son art se caractérise par une suprême élégance et une grande sobriété, utilisant la lumière du Nord comme les maîtres hollandais du XVIIème siècle. Fidèle à la photographie de studio, il recréa le monde, tel un démiurge discret, dans son antre de la Cinquième avenue à New-York, développant lui-même ses clichés. Il fut tout à la fois un grand photographe de mode et un immense portraitiste. Picasso, Alfred Hitchcock, Marlène Dietrich, Truman Capote, Marcel Duchamp, Dali… autant de personnalités qu’il a fait posé devant un simple rideau gris (un travail qui n’est pas sans évoquer l’oeuvre de Giovanni Battista Moroni, l’un des plus grands portraitistes italien du XVIème siècle). Il fut aussi le portraitiste des gens du peuple comme en témoigne sa célèbre série des petits métiers réalisée en 1950-1951 (en hommage au photographe Eugène Atget) ou ses différentes séries de portraits d’indiens traditionnels à Cuzco en 1948, d’enfants et jeunes villageoises du Dahomey en 1967 ou de Guerriers de Nouvelle-Guinée en 1970. Il fut aussi un éblouissant photographe de nature morte. Il suffit pour s'en convaincre de contempler sa somptueuse Nature morte avec pastèque de 1947 ou sa radicale série de mégots de 1972). Il fut encore un incroyable photographe de nus qu’il traite comme de véritables sculptures (un travail stupéfiant d’audace réalisé entre 1949 et 1950 mais seulement exposé en 2002). Un géant de la photographie. Un prodigieux artiste tout simplement.