Contributeur(s) :
Traducteur : Anaïs Lasvigne - Traducteur : Andromeda Tait
Tout à la fois écrivain, dramaturge, plasticien, scénographe et metteur en scène de théâtre et de performances, Fabio Mauri aura profondément marqué le paysage artistique italien des années 50 aux années 2000. Malheureusement méconnu en France, nous lui devons toute une réflexion sur l'identité et sur l'uniformité, sur le fascisme et la propagande ainsi que plusieurs créations interrogeant la singularité, l’assujettissement, l'esthétique du quotidien ou encore l'ordinaire des images.
Cette étude (première analyse, et à l'occasion première biographie en français de l'artiste italien) revient intelligemment sur les premières œuvres de l'artiste où déjà s'instaure l'emploi d'une écriture caustique tant dans ses premières peintures (représentatives de l'art abstrait des années 60), ses premières installations et au sein de ses premières créations scéniques et performatives (à partir des années 70). On assiste dès lors à une dénonciation brutale, parfois dérangeante, de sujets brûlants sur le pouvoir italien, un fascisme renaissant durant les années 60-70 et une critique abrupte des années hitlériennes : pour exemple son installation vidéo Oscuramento, en 1975 (travail effectué en collaboration avec son ami d'enfance, le cinéaste italien controversé Pier Paolo Pasoli, et avec la participation du cinéaste Miklós Jancsó). L’œuvre symbolise la révolte, la résistance face à l'oppression en réutilisant l’œuvre allégorique de Miklós Jancsó, Psaume Rouge, que Fabio Mauri projette sur le réalisateur lors de la performance.
Dans la tradition du Théâtre de Jerzy Grotowski, Fabio Mauri abolit la distance entre l'espace de la scène où se joue la performance et celle dévolue ordinairement aux spectateurs. En abattant ce quatrième mur, ses créations et écritures de plateau rappellent celles du Performance Group de Richard Schechner en rendant plus qu’immersifs les discours politiques qu'il désire soumettre à l’Italie, à la France et à l'Amérique des années 70-80 : dont What is Fascism (New York, 1979). Cependant, à l'inverse des travaux performatifs de ses contemporains (Pino Pascali, Vettor Pisani, Jannis Kounellis), Fabio Mauri propose avant tout un travail collectif – certes que nous relisons aujourd'hui à la lumière des avancées théâtrales contemporaines – mais qui ne restent pas moins des performances où le corps soumis à l'exposition et à l'épuisement forment un propos artistique et esthétique des plus novateurs.
En somme, une biographie et une analyse à ne pas manquer, tant pour l'histoire d'une figure tutélaire de l'art italien que pour une histoire de la performance, entre théâtre, spectacle vivant et art plastique.