Un coup de coeur de Mollat
Jules Ferry est peint dans sa réalité première, celle d'un individu historique ancré dans son époque mais aussi celle d'un visionnaire. Plutôt que de tirer un bilan en deux colonnes, aspects positifs et négatifs du grand homme, Mona Ozouf nous tend le miroir de l'unité d'une vie, sa cohérence, ses grands fils directeurs.
Ferry fut le grand organisateur de l'école gratuite, laïque et obligatoire, mais également l'instigateur de nombreuses libertés, rentré aujourd'hui dans les mœurs : la liberté de la presse, la liberté de former un syndicat et celui de choisir son maire. Il est l'homme le plus controversé du colonialisme des années 1880, bataillant à l'époque avec Georges Clémenceau qui lui reprochait la nature idéologique de son engagement dans l'aventure coloniale.
Sa démarche paternaliste, relevant d'un certain messianisme républicain, est replacée dans le contexte de l'époque par l'auteur de L'École, l'Église et la République. Selon Ferry, par l'exportation des Lumières françaises outre-Gaule, les peuples indigènes devaient arriver à l'âge d'homme. La colonisation devait ainsi mourir de ses propres succès. Mona Ozouf nous invite également à redécouvrir l'homme, le citoyen Jules Ferry, amoureux de la France, grand admirateur de Michelet, attaché aux paysages de la campagne.
De sa plume élégante, Mona Ozouf dresse un portrait subtil de cet homme politique qui continue de par son œuvre à diviser les mémoires. Ce texte court mais efficace qui se lit avec un réel plaisir incitera le lecteur à la réflexion sur ce grand "législateur et penseur de la République".