Un coup de coeur de Lucie
« Si j'étais un littérateur et ceci une fiction, je pourrais affabuler sur l'événement, je serais autorisé à procéder ainsi. […] Mais je ne l'imaginerai pas ou du moins je ferai semblant de ne pas l'imaginer, car ceci n 'est pas une fiction et je ne suis pas un littérateur, de sorte que je dois m'en tenir à la solidité des faits. »
Dans Les soldats de Salamine, également consacré un épisode réel de la guerre civile, Cercas avait eu recours à un personnage fictif pour cette histoire qui nécessitait un héros. Ici, on peut difficilement parler de fiction ou de roman tant l'auteur met du zèle à séparer les faits du récit : comme souvent chez lui, l'Histoire et l'histoire s'entre-croisent, et le lecteur assiste aussi bien à la construction du livre qu'il a sous les yeux qu'à son propos. Ainsi, l'histoire de Mena se raconte par des dates, des documents, des photos. L'histoire de la recherche de cet homme en revanche, se traduit par les témoignages recueillis par l'auteur et sa famille, et par ses réflexions sur notre lien avec le passé.
« Car le passé est un puits insondable et noir où l'on arrive à peine à percevoir des étincelles de vérité, et de Manuel Mena et de son histoire, ce que nous savons est sans doute infiniment plus petit que ce que nous ignorons. »
C'est un livre intime et universel à la fois, écrit dans une prose souple, entre syncope et vagues puissantes. A travers Manuel Mena, Cercas cherche sa propre rédemption, et c'est avec beaucoup d'émotion que le lecteur accepte de le suivre sur un long chemin qui ne laissera personne indemne.