Nous avons connu Nicolas Mathieu en 2014 avec un très réussi polar social publié aux Actes Sud, Aux animaux la guerre. Cette année il publie chez le même éditeur Leurs enfants après eux, un roman-radiographie de ce qu'on appelle aujourd'hui "la France péripherique": ces territoires ni tout à fait urbains, ni tout à fait ruraux, au sein desquels la désindustrialisation a provoqué quantité de drames humains.
"Le corps insatiable de l'usine avait duré tant qu'il avait pu, à la croisée des chemins, alimenté par des routes et des fatigues, nourri par tout un réseau de conduites qui, une fois déposées et vendues au poids, avaient laissé dans la ville de cruelles saignées. Ces trouées fantomatiques ravivaient les mémoires, comme les ballasts mangés d'herbe, les réclames qui pâlissaient sur les murs, ces panneaux indicateurs grêlés de plombs."
Nombreux seront ceux qui se reconnaîtront dans les personnages décrits avec tant de justesse dans ce roman qui prend au coeur son lecteur.
Quatre étés, une vallée dans l'est de la France, là où les hauts-fourneaux ont cessé de vivre et de faire vivre, une jeunesse qui essaie de tromper l'ennui et la frustration.
Anthony, ado mal dégrossi et son cousin du côté pavillionnaire, Hacine et ses potes du côté de la cité, Steph, Clem et leur bande d'amis, enfants "de la haute". Ils se frôlent, se croisent, se cherchent; parfois ils se font la guerre. Fils et filles d'ouvriers ou bien de notables, ils ont tous un seul but, laisser Heillange derrière eux, abandonner ce destin qui semble leur coller aux basques, celui de leurs parents, de leurs voisins mais décidément, pas le leur.
Leur vie d'adultes est là, à une encablure. Tributaires d'un passé qui refuse de s'en aller, ils en subissent les conséquences. Pourront-ils s'en défaire?
De 1992 à 1998 on les suit, eux et leur parents, les drames familiaux, les histoires d'amour, les histoire de haine et on voit chaque été leur ville se transformer au même rythme qu'eux mêmes deviennent adultes.
Leurs enfants après eux est un roman à mettre entre le mains de tous: une fenêtre ouverte sur des vies souvent méconnues. Nicolas Mathieu, à l'instar d'une Marion Brunet ou d'un David Lopez, fait partie de cette nouvelle génération de jeunes auteurs attachés à la réalité, à la vie, telles qu'elles sont et qui font en sorte que l'on ne puisse pas dire "je ne savais pas".
Leurs enfants après eux est un roman sensible et profond qui parvient avec brio à éviter le pathos et la facilité. Son auteur y réalise une analyse très fine de ces milieux trop souvent oubliés, voir méprisés et de leur jeunesse. A lire sans faute!