Plutôt que de s'interroger sur le manque de femmes parmi les grands artistes, l'auteure remet en question la notion de grandeur et critique le point de vue masculin blanc qui imprègne la pensée de l'art à travers l'histoire. Sa réflexion permet une nouvelle forme d'appréciation pour l'art du XXIe siècle tout en initiant un point de vue féministe de l'histoire de l'art. ©Electre 2024

Pourquoi n'y a-t-il pas eu de grands artistes femmes ?

En 1971, Linda Nochlin annonce l'aube d'une histoire de l'art féministe par la question : « Pourquoi n y a-t-il pas eu de grands artistes femmes ? » Aujourd'hui encore, cet essai qui déconstruit les préjugés et ouvre de nouveaux horizons reste fondateur pour l'histoire de l'art. Linda Nochlin y montre que la question de l'absence des grands artistes femmes est biaisée et elle refuse d'y répondre. Avec une acuité exceptionnelle, elle montre plutôt comment l'adoption du seul point de vue du mâle blanc dans la pensée, notamment avec la notion de génie forcément masculin, relève de l'échec à la fois moral et intellectuel. En français, cette question a toujours été traduite au masculin, postulant justement que le recours à l'idée de grandeur dans l'histoire de l'art a systématiquement été formulé par des hommes, sur des hommes. De tait, le féminin en a été purement et simplement exclu.

Pour les cinquante ans de sa première publication, ce texte est ici retraduit et accompagné de sa réévaluation par Linda Nochlin elle-même. Rédigé en 2001, a l'heure où s'affirment les théories féministe et queer ainsi que les études postcoloniales, « Trente ans plus tard » constitue une réflexion sur l'émergence d'un nouveau canon. Faisant référence à Louise Bourgeois, Cindy Sherman et bien d'autres, Linda Nochlin y propose un état des lieux contemporain sur la situation des femmes dans l'art. Désormais, « Pourquoi n'y a-t-il pas eu de grands artistes femmes ? » est devenu un cri de ralliement qui retentit dans notre société, un message qui s'avère toujours actuel et nécessaire aujourd'hui, puisque comme elle-même l'a redit en 2015, la route est encore longue...