Grâce à un travail d'analyse et de contextualisation de documents historiques, les auteurs établissent la généalogie de la politique culturelle dans la province de Hainaut, en Belgique, depuis la fin de la Première Guerre mondiale, avec l'entrée en vigueur du suffrage universel dans le pays en 1919 et la création de la Commission provinciale des loisirs de l'ouvrier en 1921. ©Electre 2024

Au lendemain de la guerre 1914-1918, le gouvernement d'union nationale va convoquer les premières élections au suffrage universel, en mai 1919. Cette réformation des suffrages et des règles d'éligibilité sera inscrite dans la Constitution belge, dès le mois de février 1921. (...) Une telle révolution ne peut se satisfaire de la seule réforme du mode de scrutin aux différents niveaux, national, provincial ou communal ; elle appelle nécessairement de nouvelles institutions pour favoriser ou améliorer la participation démocratique. (...) Un certain nombre de libertés, dont l'exercice est essentiel à la participation démocratique, sont qualifiées en droit : la liberté associative, la liberté syndicale, etc.
(...)

La création de la Commission provinciale des huit heures de loisir des ouvriers, en avril 1919, par la Députation permanente du Hainaut, procède de cette même logique qui étend la participation démocratique, au coeur de l'institution provinciale elle-même. D'une certaine manière, l'invention de ce projet culturel de « démocratie de suffrage universel » constitue la trame de fond de toutes les réformes politiques, institutionnelles et législatives de l'époque. Il forme le terreau d'une philosophie de la « démocratie culturelle » qui fleurira, de manière plus explicite et plus structurée, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Et c'est bien ici, que les premiers travaux de la Commission provinciale ouvrent une fenêtre sur les préoccupations culturelles qui caractérisent le mouvement historique où de nombreuses politiques culturelles actuelles trouvent encore leurs fondements.
(...)

La conscience de cet enjeu culturel du suffrage universel est explicite dans l'esprit de certains des membres de la Commission provinciale, même si les signes de cette conscience sont rares et les formulations prémonitoires dans les conclusions et voeux de la section consacrée à l'éducation populaire : « ... car le moment est venu et, de jour en jour, l'oeuvre devient plus urgente ! Il serait aisé de prouver que l'émancipation économique et politique des classes laborieuses constitue pour l'humanité tout entière, un grave danger, si elle n'est pas accompagnée de leur émancipation intellectuelle et morale. Il faut donc agir. Mais comment ? »