Un coup de coeur de Guillaume D.
1888, une petite ville d’Algérie. Un jeune homme est retrouvé étendu près du corps d’une femme. Elle a été tuée de deux coups de revolver. Lui, n’a qu’une petite blessure sans gravité, mais il clame devant les témoins qu’ils ont voulu mourir ensemble, dans un acte d’amour désespéré.
S’engage alors une grande controverse sur la responsabilité morale de l’accusé. L’homme est-il un amoureux transi en butte à la fatalité ou un dépravé cynique qui tente de manipuler la justice ? Des écrivains de renom, comme Anatole France, Paul Bourget et Maurice Barrès prennent sa défense ou l’accablent dans des tribunes enflammées. On discute longuement de sa personnalité, de ses affinités littéraires.
Le procès qui s’ouvre prend dès lors une importance sociale puisqu’il va consacrer, dans l’imaginaire collectif, l’une ou l’autre des interprétations proposées. Cet homme est-il un romantique ou un décadent ? Est-il Werther ou Dorian Gray ? Autrement dit – et c’est tout l’enjeu de la pénalisation des violences conjugales –, ce type de crimes « passionnels » sont-ils commis par amour ou par vanité ?
Il ne s’agit pas ici de résoudre un cold case, mais de rendre compte de la réception de l’affaire et des représentations de la passion amoureuse qu’elle a reconduite, au travers notamment des répliques littéraires qui s’en sont inspirées. Plus qu’un simple récit de fait divers, c’est une exploration des imaginaires qui ont contribué à forger nos mentalités et qui continuent d’animer le débat public jusqu’à nos jours.