Un coup de coeur de Libraires BD - Manga
Webster Fehler, la quarantaine, est employé pour un cabinet d’avocat en étroite collaboration avec le LAPD (Los Angeles Police Department). Abîmé par la vie, méprisé, humilié et utilisé par ses collègues de travail, Webster est également très seul. Accro à la pornographie, il s’adonne parfois à laisser vagabonder son esprit à la recherche de plaisir inconnu ou transgressif. Un beau jour, lors d'une pause repas, il décide d’aller se payer une passe dans un coin tranquille. Mais ce qu’il trouvera à la place changera radicalement sa vie. Sous le pont ou notre anti-héros voulait s’abandonner à un plaisir vénal et furtif, se trouve un sac contenant une arme de point et un badge d’agent de police. Mais en plus de la musette militaire, Monsieur Fehler trouve également une voix dans sa tête. Une voix lui disant que grâce à cette trouvaille il pourrait devenir qui il veut et faire ce qu’il souhaite. La présence lui murmurant à l’oreille se présente comme étant le diable ayant faim de sang et de violence, la même violence qui selon ses dires aurait forgée les Etats-Unis d’aujourd’hui.
Las de n’être qu’une ombre aux yeux de tous, Webster endosse l’identité du policier et sillonne les quartiers mal famés de Los Angeles en quête d’âmes à punir mais aussi dans l’espoir d’assouvir ses fantasmes les plus sombres et immoraux.
Gargantuesque déclaration d’amour au cinéma policier sombre, poisseux et ultra-violent, Le labeur du diable est d’une première part un énorme coup de cœur mais surtout une bande dessinée à ne pas mettre entre toutes les mains.
Panorama d’une Amérique déchue s’adonnant aux pires vices de l’humanité : drogues, règlements de compte, banditisme, viols… ce premier volume nous présente un personnage outsider rejeté par tous ayant atteint son point de rupture.
Comment un homme fragile psychologiquement pourrait réagir et agir s'il avait la possibilité d’agir selon son instinct ? A quel moment passer une mauvaise journée peut-il nous faire nous remettre en question ? Quel place à la violence dans société ? Et surtout comment, chacun à notre échelle, nous usons et abusons du pouvoir que nous pouvons avoir ?
Dans Le labeur du diable, la violence n’est pas utilisée à des fins esthétiques ou amusantes. Ici la violence est un vecteur, une métaphore de l'animosité grandissante de l’homme à l’égard de son prochain. Un avatar de l’envie de possession et de pouvoir, d’égocentrisme et de destruction. Cette bande dessinée est une œuvre subversive et magistrale sur la violence et la spirale qu’elle peut provoquer à l’image de métrages comme Chute Libre de Joel Schumacher, Cruising de William Friedkin ou encore Training Day d’Antoine Fuqua. Contrairement à d’autres œuvres de fiction tel que la filmographie de David Leitch pour ne citer que lui, il n’y a aucun souhait de glorifier ou de rendre supposément stylisé l’action.
Ici le monde est froid, sombre et violent comme ce qu’il a toujours été aux yeux du diable murmurant à l’oreille de Webster. L’Homme est un loup pour l’Homme, une chaîne de prédateurs, avide de transgression.
Toutefois le doute est permis avec le dernier acte commis par notre anti-héros, à la limite du vigilantisme (qui reste malgré tout un acte hors-la-loi), outrepassant alors l’ordre direct du “diable” et se forgeant alors sa propre route pavée de débauche, de crime, de violence mais avec peut-être un mince espoir de rédemption.
Une première partie subversive, ultra-violente et passionnante pour un titre qui est et restera un véritable coup de cœur.