Un coup de coeur de Libraires BD - Manga
Norton est un jeune homme perdu. Psychotique, paranoïaque et schizophrène, il est obsédé par les ordures et les détritus. Chaque poubelle qu’il croise finit irrémédiablement fouillée. Mais que cherche Norton ? Des clous et des fragments qui pourront l’aider à faire la lumière sur des visions qui l’assaillent depuis ses 9 ans. Celle d’une grange noire, immense, inquiétante et semblant l’appeler à lui. Toutes ses peurs, il les partage avec sa psychiatre, le docteur Xu.
Au même moment, le père Wilford est envoyé au village de Gideon Falls pour prendre la suite du père Tom, mort prématurément. La nuit de son arrivée il sera le témoin d’un meurtre sordide commis par ce qui semble être le père Tom étrangement revenu d’entre les morts. Mais alors qu’il poursuit l’ombre de son prédécesseur, il se retrouve face à une grange noire à l’allure terrifiante.
Cela ne fait aucun doute, Norton ne ment pas. La grange existe, et cela fait déjà plusieurs années déjà qu’elle obsède certains des habitants de Gideon Falls.
Il n’y a pas à dire, Jeff Lemire qui s’associe à Andrea Sorrentino, ça fait toujours des étincelles. Après un début explosif, passionnant, addictif et tout en nuance pour leurs “Mythes de l’ossuaire” (qui en ce moment se voit complété aux Etats-Unis avec l’excellent “Tenement”), un run sur Green Arrow (période The New 52) audacieux mais aussi un récit de science-fiction virtuose avec “Primordial”, le duo conjugue avec maestria horreur, thriller et question dimensionnelle avec “Gideon Falls”.
Empruntant ses influences à différentes sphères de la culture moderne tel que le cinéma (le cinéma de David Lynch et John Carpenter), la littérature (Stephen King, Clive Barker) et le jeu-vidéo (Outlast 2, Alan Wake), le récit de Jeff Lemire possède une science du retournement de situation, du cliffhanger et de l’angoisse assez folle. Chaque page est un indice, chaque phrase est une piste, chaque péripétie est un nouveau soulèvement provoqué à notre cœur de lecteur. Et quand vous pensez avoir découvert les mystères entourant nos protagonistes, Lemire se permet une nouvelle pirouette pour nous conduire dans un nouvel embranchement psychédélique et torturé.
Côté graphique, Andrea Sorrentino nous propose encore une fois son trait reconnaissable entre cent mais absolument bluffant. Une émulation du réel avec des visages très expressifs et des décors transpirant la vie. Chaque détails est souligné pour nous prouver que oui cet univers existe, il est tangible, certes dans les pages du comics, mais en tant que lecteur et observateur nous croyons à ce qui nous est montré. Rares sont les artistes qui possèdent un tel trait et une telle sensibilité. Et autre point avec lequel Sorrentino se démarque de ses collègues illustrateurs, c’est sa propension à nous exposer des visions absolument terrifiantes où l’esprit et sa perception est son terrain de jeu. Que ce soit au niveau du découpage des planches ou de ce qui peut y être représenté, le travail graphique ne vous laissera pas indifférent.
Avec “Gideon Falls”, Jeff Lemire et Andrea Sorrentino signent un chef-d'œuvre. Pas seulement dans le domaine de l’horreur et du thriller psychologique, mais aussi dans le monde du comic-book moderne. Le travail des deux compères témoigne d’un véritable amour pour la littérature et le cinéma de genre, mais aussi de la bulle et de la case. Un travail bluffant qui mérite toute votre attention si ce n’est pas déjà fait !