Quel manque d'originalité que de vouloir être original !
Après avoir mis au jour notre goût pour le confort et notre aversion au risque dans La civilisation du cocon, Vincent Cocquebert poursuit son décryptage des grandes tendances contemporaines en s'attaquant à l'individualisme généralisé qui met en péril le collectif. Dans la roue de Gilles Lipovetsky qui avait noté, à la fin des années 1980, une « accentuation des singularités » et de Christopher Lasch qui dénoncait une « culture du narcissisme » dans son fameux ouvrage éponyme, l'essayiste démontre l'avènement de l'obsession de soi. Entre quête de plaisirs et de loisirs, culte des émotions et société de l'hyperchoix, les liens entre narcissime et consumérisme apparaissent comme évidents. L'affirmation ne soi n'est plus la subversion qu'elle pouvait être mais, au contraire, une aubaine pour le monde marchand. Du marketing aux ressources humaines, le « storytelling de soi » est ainsi promu et encouragé, au grand loisir des commercants et des exploitants.
Cette mise en scène de soi est d'autant plus une aliénation qu'elle est une pression pesant sur les épaules des individus eux-mêmes. Frustrations, vertiges identitaires et instabilités émotionnelles faisant partie, entre autres maux, des conséquences de cette « ère de l'individu tyran ». Entre autofétichisation et réification de l'autre, l'auteur observe et démontre en outre une chute de l'empathie, une baisse de l'amitié et une crise du couple. Le sous-titre De l'invention de soi à la fin de l'autre prend ainsi tout son sens.
Avec Uniques au monde, Vincent Cocquebert livre donc un ouvrage pertinent qui saisit l'air du temps avec acuité. Un air dont le slogan pourraît être : « Be yourself », comme tout le monde !