Un coup de coeur de Véronique Marro
Aux Montées, “minuscule lieu-dit” bordé par le fleuve et coupé du reste du monde par un pont qui n’existe plus, l’ordre des choses est tenu par une poignée de personnages à la vie pauvre et austère : d’un côté, Aelis, son mari Eugène et leurs trois fils Mayeul, Artaud, Germain ; de l’autre, Ambre (soeur jumelle d’Aelis) et Léon n’ont eu aucun enfant. Rose, vieille femme qui vit seule, tente de transmettre à Ambre le secret des plantes. Ce hameau perdu vit sous la férule de seigneurs, notamment Ambroisie-le-Fils, descendant sanguinaire du maître et figure du mal qui impose la terreur à ces paysans reclus.
Dans ce décor de conte de fées, ou plutôt de conte noir dont Sandrine Collette possède le secret de la réécriture depuis onze romans, une petite sauvage “fille de faim” venue de nulle part va bousculer la paisible vie de tous, et remettre en question la notion même de destin. Madelaine (avec ce “a” comme pour redoubler son étrangeté, lettre qui se retrouve d’ailleurs dans chaque prénom des personnages du roman) vite recueillie par Ambre qui n’a pas pu enfanter, est ce petit être dérangeant et fascinant qui va transgresser la loi, brisant le cycle des hommes et faire basculer à jamais ce monde.
De sa plume délicate et poétique, Sandrine Collette sait nous faire ressentir les dures conditions de survie de ces affamés frappés par le malheur tout en exhaussant leur existence par l’insouciance des quatre enfants (Mayeul, Artaud, Germain et Madelaine) parcourant cette nature âpre. Malgré les épreuves, tous parviennent à tisser de puissants liens, les rapprochant tendrement, les unissant à leur terre.
“Le monde est laid et nous n’y pouvons rien. Et pourtant, au milieu de ce désespoir il existe des étincelles qu’aucun malheur n’arrive à briser complètement.” Madelaine, est celle par laquelle l’aube et le feu de la révolte adviennent, de ceux qui réchauffent durablement les cœurs en cette rentrée littéraire…