Un coup de coeur de Guillaume D.
Figure majeure du mouvement anarchiste en France, Auguste Blanqui a été de tous les combats et n’a jamais hésité à se mettre en danger pour soutenir la lutte sociale. « L’Enfermé » comme on le surnomme, a ainsi passé 37 ans de sa vie en prison pour ses prises de position. Au temps fort de la Commune, alors que la révolution bat son plein et qu’il est détenu dans des conditions très difficiles, il trouve le moyen d’écrire et de faire publier au plus vite un traité… d’astronomie.
L’ouvrage est remarquable à plus d’un titre, et la préface de Jacques Rancière en éclaire admirablement le sens et sa dimension politique. Pourtant, c’est surtout pour une idée étrange, métaphysique, que le livre a captivé des générations de penseurs.
Elle tient en un syllogisme fort simple. Soit un nombre fini d’atomes, le nombre de combinaisons de ces éléments, quoique extrêmement grand, est nécessairement fini lui aussi. Or, l’espace et le temps étant infinis, il faut que les mêmes arrangements d’atomes se reproduisent à l’identique, indéfiniment, à travers les milliards de mondes passés, présents et à venir.
Autrement dit, les mêmes êtres, les mêmes évènements, vous-même, vos souffrances, vos passions et vos luttes, se retrouvent en une multitude d’exemplaires et de versions alternatives, parmi la foule innombrable des astres. Il n'y a donc pas de « sens de l’histoire ». Tout recommence indéfiniment, et tous les mondes possibles, les meilleurs comme les pires, coexistent et se répètent à l’infini, de toute éternité.
Une hypothèse étourdissante, qui a pu suggérer à Nietzsche la notion d’éternel retour*, qui fut abondamment commenté par Walter Benjamin**, et qui a très clairement inspiré Borges pour sa nouvelle La bibliothèque de Babel***.
Si l’histoire n’est peut-être pas vouée à se répéter, les grandes idées, du moins, ont le pouvoir de se réverbérer à travers les âges.
*Bien que Nietzsche rejette le concept d’atome, il propose une explication scientifique de l’éternel retour en des termes proches de ceux de Blanqui dans son livre posthume La volonté de puissance.
Voir : https://www.mollat.com/livres/433052/friedrich-nietzsche-la-volonte-de-puissance-vol-1
**Benjamin analyse l'hypothèse de Blanqui dans son Livre des passages, liasse « D », que l'on retrouve sous le titre L'ennui, l'éternel retour.
Voir : https://www.mollat.com/livres/3295723/walter-benjamin-de-l-oisivete-l-ennui-eternel-retour
***Borges mentionne brièvement Blanqui dans son Histoire de l’éternité ainsi que dans sa préface du roman L’invention de Morel de Bioy Casares.
Voir : https://www.mollat.com/livres/199873/jorge-luis-borges-oeuvres-completes-vol-1