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Non précisé.
Un coup de coeur de Mollat
Retour réjouissant d'un Blutch plus cinéphile que jamais. Une bande dessinée qui sonne comme un hommage colérique au septième art.
Et d'une impitoyable beauté, le reste est silence…
Ce regard incendiaire et effronté d'Ava Gardner nous interroge. Comme si nous souhaitions vraiment en finir avec le cinéma, face au minois de celle que l'on nommait « le plus bel animal du monde ». Jolie ambigüité ? Qui annonce tour à tour un récit essai, histoire, hommage intime et fiévreux. Blutch aka Christian Hincker nous jette en pleine figure son regard sensible et cinglant sur ce qu'il appelle « le théâtre en conserve ». Et c'est en véritable passionné qu'il s'évertue à montrer son âge d'or du septième art, à tous ces Burt Lancaster, Michel Piccoli, et grandes actrices qui ont hanté notre imaginaire collectif.
Tandis qu'il nous fait son cinéma, l'auteur dévoile aussi des clefs sur ses bandes dessinées précédentes. Quelques années après des titres aussi équivoques que Mitchum et Péplum, une Sunnymoon aux reflets d'Anna Karina, ou encore Rancho Bravo et Le petit Christian, douces références à ces grands westerns qui vous chamboulent toute une enfance (ah Saint Steve McQueen !), il fallait donc bien en finir avec le cinéma. Et le récit est redoutable en références, car en bon prêcheur de la pellicule, l'alter-ego enivré de l'auteur se faufile dans cette armada d'images, interroge notre rapport au cinéma en dressant un inventaire de fabuleuses scénettes. Acteurs légendaires, où se situent vos limites dans notre imaginaire ? Actrices à la beauté infernale, quand cesserez-vous d'être muses ? « Et tu le sais si bien, moderne Olympia, que tu te mets en quatre pour tenir ton rang ». Michel Piccoli, mais qui êtes-vous vraiment ?
Au cours de ses discussions avec la gente féminine, Blutch nostalgique évoque nos fascinations d'enfant et dévoile ses névroses, tel un bien singulier pervers du cinématographe. Il désamorce en plaçant sur un piédestal certaines figures marquantes et fantasmées.
Et le tout confirme encore une fois que Blutch est un artiste majeur de la bande dessinée. Magistral !