Etude sur les comportements de la communauté vietnamienne en France, le conflit de générations entre les plus anciens immigrés, très attachés à leur pays d'origine, engagés dans des associations, et la 3e génération, complètement intégrée, considérant que la France est leur patrie. ©Electre 2024

La mémoire réinventée

Je notais autour de moi l'agitation de quelques jeunes Vietnamiens. La réunion marquait en effet un moment important pour l'association : à l'occasion de l'anniversaire de ses quarante ans de lutte, l'agevp avait constaté l'érosion inéluctable de son influence. Il lui fallait à présent en comprendre les raisons, et tirer les conséquences du désaveu d'une grande partie de là communauté. De surcroît, elle allait dévoiler à un regard étranger les nombreux différends et les rivalités internes qui la minaient. On allait discuter d'un échec...

Les associations vietnamiennes de France se répartissent entre deux camps rivaux, selon qu'elles soutiennent le gouvernement de Hanoi ou qu'elles s'y opposent. Le présent ouvrage est essentiellement une analyse du mode de fonctionnement de l'Association générale des étudiants vietnamiens de Paris (agevp), qui est la principale association antigouvernementale.

Docteur en ethnologie, Abdallah GNABA présente ici un aperçu de l'ensemble du réseau associatif vietnamien en France et donne à suivre au plus près les trois années d'enquête de son terrain. On y découvre que le discours des dirigeants, dans ses orientations poli tiques, ne répond plus aux aspirations des jeunes de la troisième génération qui, tout en restant sentimentalement attachés au Vietnam, considèrent que leur patrie est la France. D'où un conflit de génération et une diminution du nombre d'adhérents qui compromet l'avenir de l'agevp. Ce sont les circonstances et les raisons de ce déclin qui font l'objet de ce livre.

Restent le rapport au terrain de l'ethnologue et les conséquences que les relations privilégiées qu'il a nouées avec certains informateurs ont pu avoir non seulement sur ses propres interprétations, mais aussi sur les événements qu'il a été amené à observer. Reste l'irréductible écart entre le réel et le regard. Ce qui se joue toujours à l'interface de deux récits. La mémoire réinventée.