Un coup de coeur de Mollat
L'homme est partout, parle, remue, s'agite. Le président est multiple, se dédouble, couvre l'espace des territoires comme des médias. En un an de pouvoir, il a déclenché autant d'étonnement, que de passion ou de haine. Tout est accroche en lui, en particulier son langage.
De ses 28 ans, où il était maire de Neuilly, à ses 52 ans, où il est devenu Président de la République, il est passé d'un vocabulaire musclé (entre Karcher et racaille) à une redoutable rhétorique. Les journalistes se sont régulièrement emparés de son verbiage mais voilà que les linguistes s'y intéressent en faisant parler ses derniers discours électoraux, interviews et conférences de presse.
Bien sur, Nicolas Sarkozy n'écrit plus ses discours depuis longtemps et possède "une plume". L'étude se développe donc autour de l'élément central de la production linguistique sarkozienne : Henri Guaino. Artisan de la rupture linguistique en politique, Henri Guaino choisit un style direct, raccourcit les phrases, utilise un vocabulaire limité et martèle le tout de répétitions (très exactement des anaphores). Nicolas Sarkozy dira, par exemple, 27 fois la formule "Je veux être président" en janvier 2007, 11 fois "Pourquoi tant de haine" en avril 2007 ou 10 fois "le droit de parler" en avril 2007. La force des deux hommes ne se révèle pas seulement dans leur "rabachage", ni dans leur style technocratique tourné vers le dynamisme et l'action du verbe, mais aussi avec la "vampirisation" des idées et des mots de leurs adversaires. (Reprendre entre autre les sentiments, l'amour, la tendresse chez Ségolène Royal).
A la lecture de cet ouvrage, on ne sait plus trop qui s'exprime en écoutant Nicolas Sarkozy : lui ou l'autre. Heureusement ou malheureusement, le récitant a quelquefois la langue qui dérape et il deviendrai même grossier, gachant ainsi tous les efforts du "marionettiste".