Un coup de coeur de Mollat
Portrait d'Israël en jeune fille est décidément bien éloigné des pâles représentations habituelles de la Vierge, dont les religieux fervents ou les touristes spectateurs peuvent découvrir l'effigie dans les églises, les expositions culturelles ou les recueils d'images saintes.
C'est au corps d'origine de Marie que l'écrivain Sandrick le Maguer s'en prend quand il cherche à démontrer l'« improbable » genèse de la mère du Christ, au sein la tradition juive elle-même. Pour cela, il se sert d'une connaissance approfondie de la Bible et des possibilités ludiques d'interprétation qu'apporte la maîtrise de la langue de l'Ancien testament. En effet, il y a une dizaine d'années ce Catholique breton, lecteur assidu de Maître Eckart, Duns Scot ou Saint Augustin se passionne pour L'invention de Jésus, écrit par Bernard Dubourg en 1987. Il décide alors d'étudier l'hébreu, puis de s'occuper du versant féminin de l'affaire et de mettre en lumière la Jeune fille en fleur.
Dubourg qui révéla que l'Evangile avait été écrit en hébreu provoqua en son temps débats théologiques et grincements de dents. Il utilisa la guématrie, (numérologie des lettres) comme un système, et tomba dans le versant cabalistique. Dans son livre sur Marie, Sandrick Le Maguer utilise les outils d'interprétation savante du midrash (commentaire éclairant) et par une profonde foi en son sujet et une logique rigoureuse, il exhume, la figure de Myriam. Nous retrouvons Myriam originellement dans la Bible, sous la figure de la sœur de Moïse et d'Aaron, puis dans d'autres homonymies. Précisons que Marie se dit Myriam en hébreu et se révèle ici, grâce à la preuve d'occurrences bibliques, comme ayant de nombreuses incarnations préalables. Myriam signifiant aussi sagesse, la jeune fille est ainsi redécouverte dans la substance salvatrice même de l'hébreu. L'histoire multiple de Myriam/Marie déclinée dans la Bible et le Talmud, amène l'auteur à donner à Marie la place de représentante emblématique de la nation d'Israël.
Le déroulement de son livre qui alterne démonstration théorique et dialogues enjoués, conduit Sandrick Le Maguer à prouver que Marie est la figure symbolique cachée du peuple d'Israël. Comme un trou noir miraculeux qui traverserait majestueusement le temps historique, c'est ici une Marie virginalement reconstruite qui nous est proposée par le filtre de l'hébreu. Cette thèse qui peut dérouter par sa génialité recompose ainsi la genèse de l'incarnation mystérieuse et problématique de Marie.
Gens de peu de foi en la logique des langues, allez lire à la source.