Un coup de coeur de Mollat
David Le Breton nous rappelle en guise d'introduction que la condition humaine n'est pas toute spirituelle mais elle est avant tout corporelle. Il propose alors de nuancer de célèbre adage cartésien "Je pense donc je suis" par un plus incarné "Je sens donc je suis". C'est ce rapport sensuel, immédiat et permanent de l'homme au monde qui intéresse ici l'anthropologue.
Cette anthropologie des sens dépasse le simple cadre physiologique de la perception et ouvre grand la porte de la culture. En effet, l'auteur dresse un panorama des expériences sensorielles, passant d'une culture à l'autre et traversant les époques. Le rôle joué par tel ou tel sens dans l'organisation perceptive d'un peuple et l'importance qui lui est accordée, varient selon les civilisations et les temps. Pour exemple, chez les Aiviliks, l'olfaction et l'audition jouent un rôle prépondérant alors que le monde occidental privilégie largement la vision. Les Inuits eux, disposent d'une multitude de nuances et de termes pour désigner le blanc, etc... Il s'agit là d'une véritable mise en perspective du champ culturel humain.
A travers ce travail fouillé, minutieux, d'une grande érudition, David Le Breton explore intensément la littérature consacrée aux sens et à leurs interprétations. Les appels et références à la philosophie, l'histoire, la littérature et la psychologie sont récurrents.
Par ailleurs, ce qui est remarquable dans cet ouvrage, c'est tant la richesse que la clarté du propos. Une multitude d'exemples, de situations quotidiennes étayent et illustrent de façon passionante la réflexion de son auteur.
Un livre d'anthropologie, certes mais aussi une enrichissante imersion dans le champ des civilisations et des cultures, presque un récit de voyage.