Un coup de coeur de Mollat
On avait découvert l'an dernier l'écrivain islandais Analdur Indridason avec La Cité des jarres, époustouflant roman policier d'une noirceur glaçante, comme il faut croire que seuls savent en écrire les auteurs nordiques. On attendait avec impatience de retrouver le commissaire Erlendur dans une nouvelle enquête, en espérant que la suite ne nous décevrait pas... Pari gagné ! Car on retrouve dans La Femme en vert toutes les qualités de son auteur : écriture presque blanche pour décrire l'horreur, tension psychologique captivante, parfaite maîtrise de l'intrigue... Laquelle débute par la découverte d'un os, exhumé par hasard par un enfant jouant dans un chantier : "Il remarqua qu'il s'agissait d'un os humain dès qu'il l'enleva des mains de l'enfant qui le mâchouillait, assis par terre. Peu après : "Le jeune homme s'approcha de la paroi de terre et se mit à fouiller à l'endroit où le garçon affirmait avoir trouvé l'os. Il grattait la terre avec les doigts et ce qu'il vit apparaître n'était rien de moins que la forme d'un bras humain profondément enfoncé dans le sol".
Le squelette enseveli - lentement mis à jour par une équipe d'archéologues - constitue le prélude à une sordide histoire qui va faire remonter à la surface le passé d'une famille dans les années quarante, gangrénée par une terrible violence conjugale. Pour essayer de reconstituer les morceaux du puzzle, Erlendur et ses adjoints, Elinborg et Sigurdur Oli, vont devoir fouiller la mémoire des lieux, des gens, de l'Histoire : registres, cadastre, rapports militaires, archives de la Seconde Guerre mondiale de la ville de Reykjavik...
Le style d'Indridason, froid, presque détaché, proche du constat, piège le lecteur. En peu de mots, il dissèque les relations entre les personnages, nous donne à ressentir tant la rudesse islandaise, prompte à la colère, qui ne s'embarrasse pas de politesse, que la terreur d'une femme battue, ou encore l'âpreté des rapports entre Erlendur et son ex-femme, ainsi qu'avec sa fille Eva, qui gît dans le coma - le livre est ponctué des visites qu'il lui rend à l'hôpital, où, assis à son chevet, il ne sait d'abord que lui dire.
On l'aura compris, l'Islande d'Analdur Indridason se situe bien loin de l'imagerie des cartes postales. Elle aurait plutôt la violence des tempêtes de neige imprévisibles qui engloutissent le voyageur égaré, des volcans aux irruptions soudaines, la couleur de la cendre, des champs de lave noire.
PS : En même temps que paraît La Femme en vert, les éditions Métailié ont la bonne idée de rééditer dans leur collection de poche "Suites" le premier titre de la série : La Cité des jarres.