L'auteur analyse un ensemble de discours prononcés par le président J. Chirac entre 1995 et avril 2002, et les compare à une sélection de ceux de C. de Gaulle, G. Pompidou, V. Giscard d'Estaing et F. Mitterrand, et à ceux de L. Jospin. Il constate un appauvrissement du discours politique au cours de la Ve République. ©Electre 2024

Privé de majorité politique durant la majeure partie de son septennat, Jacques Chirac fut avant tout le président de la parole, condamné à gouverner par le seul pouvoir des mots. L'étude systématique de ses discours apporte ainsi un témoignage décisif sur une présidence chahutée par les électeurs ou par les juges, et sur un homme aux prises de position changeantes et à la généalogie politique ambiguë.
Cet ouvrage tire sa force du corpus embrassé. Tous les discours de Chirac entre 1995 et 2003 ont été saisis, analysés, et comparés aux discours de de Gaulle, Pompidou, Giscard, Mitterrand... et Jospin. L'évolution du discours présidentiel depuis 1958 est alors retracée. L'étude de la composition lexicale, grammaticale, syntaxique permet de montrer que la communication politique s'est progressivement substituée à la pensée politique. Longtemps nominal, s'appuyant sur des mots forts tels « peuple » ou « État », le discours présidentiel devient creux, pronominal, adverbial, délaissant le dit au profit du dire, le contenu au profit de la modalité, le logos en faveur de l'ethos; Chirac pousse loin le trait en relativisant chacune de ses paroles à qui il dénie toute référence politique ou idéologique, mais dont il cultive la fonction phatique de lien entre lui et l'opinion.
La rigueur de la démonstration tient dans la méthode utilisée. La logométrie et les outils les plus perfectionnés du traitement assisté par ordinateur permettent à l'auteur de tirer des conclusions politiques d'autant plus hardies qu'elles s'appuient sur une description linguistique objective. Cette froide objectivité s'avère particulièrement utile pour traiter de la longue cohabitation avec Jospin dont elle nous livre quelques secrets jusqu'à expliquer le séisme du 21 avril 2002 et la réélection extraordinaire du président sortant.