L'histoire du kommando du Loibl-Pass, situé à un passage entre Carinthie et Slovénie. Les déportés de ce camp, détaché du camp central de Mauthausen, étaient chargés de creuser un tunnel dans la montagne. Retrace leur vie au quotidien ainsi que les douze évasions réussies ou manquées que 26 déportés tentèrent dans l'espoir de rejoindre les partisans yougoslaves. ©Electre 2025

De juin 1943 à mai 1945, un peu moins de 1800 déportés du camp central de Mauthausen en Autriche, en majorité des Français, furent envoyés au Loibl-Pass. Ce Kommando était divisé en deux camps. Le premier se situait dans la région de Gorenjska dans le nord de la Slovénie et le second en Autriche, en Carinthie où les déportés durent creuser dans la montagne un tunnel routier entre ces deux pays pour le compte de la firme Universale-und Tiefbau AG de Vienne.

Ce livre retrace la vie au quotidien de ces déportés, raconte leurs souffrances, la brutalité et les exactions exercées par les SS et les Kapos, mais relate également les douze évasions réussies ou manquées que vingt-six déportés tentèrent avec l'espoir de rejoindre les partisans yougoslaves cachés dans les montagnes environnantes.

Il aura fallu pas moins de cinquante années de recherches pour retrouver et interroger les témoins (déportés, civils, SS) mais également consulter des milliers de documents dans les diverses archives disséminées aux quatre coins de l'Europe afin de reconstituer l'histoire de ce Kommando.

Le travail de toute une vie.

... Quelques camarades compatissants poussèrent Sauvage sous le petit pont près de l'entrée du camp et le firent s'asseoir sur un gros rocher. Bernard Aujolas se trouvait parmi eux. Ce dernier commença par lui nettoyer ses chaussures pleines de matières fécales et de boue avec du papier constituant les sacs de ciment. Les autres le félicitaient et tentaient de le réconforter par des paroles apaisantes. Cela lui faisait du bien. Cependant, il était complètement abattu, prostré, prêt à s'effondrer et dégageait des odeurs pestilentielles: à l'odeur écoeurante de matières fécales et d'urine, s'ajoutaient celles de la sueur et du sang coagulé. Il ne ressentait rien, il ne pensait plus. Une loque silencieuse, voilà ce qu'il était! Mais au moindre mouvement de son corps martyrisé, les douleurs insupportables se réveillaient partout et la tête inclinée sur sa poitrine, les yeux à demi fermés et la bouche ouverte qui grimaçait, il attendait.

Une voix s'éleva:

- Faudrait l'emmener à l'infirmerie, mais je ne sais même pas s'il pourra se lever de la pierre tellement il est crevé.

Quand il entendit cela, Jean Sauvage répondit d'une voix faible:

- Non! Surtout pas là, je ne veux pas de piqûres de benzine, je tiendrai, les gars! Merci!