C'est en 1901 que J.-H. Rosny jeune, coauteur avec son frère aîné de romans à succès, éprouve l'une des grandes émotions de sa vie : un véritable coup de foudre pour Hossegor, une région superbe où la nature exerce encore tous ses droits, autour d'un lac, «en réalité un golfe, étalé tout en longueur dans la forêt qui l'enveloppe de velours aux tons changeants», au bord duquel l'attend son nouveau logis, si exigu qu'un reporter de La Petite Gironde s'exclamera plus tard : «Si on peut appeler ça une maison !» Mais l'adhésion à ce lieu, d'une beauté presque originelle, est totale et enthousiaste : au point que l'écrivain lui consacrera cet ouvrage, un quart de siècle plus tard, admiration à fleur de ligne et émotion intacte. Rien à voir avec un élan fugace, un emballement de citadin en mal de dépaysement ou un caprice de littérateur. «Tout de suite, le pays me prend le cœur, écrit-il, non seulement par sa sauvagerie, mais par son harmonie dans des tons de jaune, de bleu, de vert, par la disposition de ses arbres qui s'avancent sur des promontoires et forment autant de bois sacrés.» Cet élan immédiat qui le pousse à la découverte de la terre landaise - «Je traverse le lac à la nage... Je l'ai vu cent fois à l'aube... Le moutonnement des bois sans fin se poursuivait jusqu'aux Pyrénées... Je t'ai vue, ô forêt, lutter contre l'océan...» - l'amènera à fonder la colonie d'Hossegor, prélude à la Société des Amis du lac (1909), qui sera à l'origine d'un «habitat urbain des âges futurs», d'une véritable station balnéaire où des artistes, des médecins notoires, des sportifs, des industriels feront édifier leur maison : en 1913, le rattachement Soorts-Hossegor sera officialisé et de nouvelles routes seront tracées.

Mais dans ce livre qui est à la fois un hymne à cette région, un sésame historique et un guide touristique aux résonances poétiques, c'est l'exploration d'Hossegor et de sa région qui est privilégiée : d'abord le fond du lac, la berge du nord, «contrée divine et mystérieuse devant laquelle se donnaient les ballets de l'eau et du ciel» ; les tchankats d'autrefois, bergers montés sur des échasses, «se mouvant avec tranquillité à travers les plaines noyées», à la tête de leurs troupeaux et les résiniers qui couraient d'arbre en arbre avec agilité ; mais aussi l'histoire de l'étang d'Hossegor, jadis d'eau douce, ou de Capbreton, port de pêche florissant sous Richelieu et celle des cités que l'on visite (parfois) dans une petite charrette anglaise, tirée par une belle jument de Tarbes : Bayonne, au-delà de la forêt de Labenne, «ville ravissante», où Maurice Martin s'opposa à la destruction des vieux quartiers, Mont-de-Marsan dont l'origine est béarnaise, possédée par les d'Albret jusqu'à Henri IV, Dax dont la vieille ville vous remplit le cœur «d'une joie subtile et forte» et où la vie de café apparaît intense et Eugénie-les-Bains, Préchacq, Saint-Sever, sans compter Bordeaux et ses vignobles... Avec sans cesse le retour à Hossegor, «mon lac, ou plutôt mon golfe où bat le cœur de l'Océan» et où l'une des plus belles stations du Sud-Ouest s'étend jusqu'à la mer...