Etude sur la prouesse technique du canal d'irrigation, créé en détournant la Durance, projet initié au XVIe siècle par A. de Crapponne (1526-1576). ©Electre 2024

Notre patrimoine acquis au fil des siècles - notre identité française -, ne se compose pas que de merveilleux monuments ou de magnifiques lieux touristiques, mais bien d'autres grands ouvrages à classer dans le même répertoire. Un patrimoine d'ouvrages où la technicité des acteurs de notre vie quotidienne moderne n'est plus à démontrer. Adam de Crapponne fut l'un de ces hommes visionnaires du XVIème siècle, aux multiples talents dans le domaine de l'eau, qui nous en laisse témoignage.

Un de ces penseurs débordant d'idées, autant par la hardiesse de ses aménagements que par l'énergie à les mettre en oeuvre. Depuis le colmatage naturel, par étalement en nappes d'eaux courantes fortement chargées en limon à forte valeur ajoutée, à l'assainissement des zones humides en perspective de leur mise en culture et donc de leur rentabilité, ou à l'alimentation hydraulique des grands espaces encore vierges de son époque ; aucun sujet ne sera éclipsé dans son esprit fertile.

C'est à travers le récit de sa courte vie qui, dès les premières années de sa carrière d'entrepreneur, dut faire face aux affronts parfois violents, aux moqueries de toutes natures sur ses projets dits «fous» par la noblesse, tellement étaient ses idées avant-gardistes. Devant autant d'incompréhension de ce monde qui l'entourait - un monde d'un autre siècle, sclérosé par les guerres sans fin de religion - il entreprit seul les travaux de colmatage de la Crau en Provence par captage des eaux de la Durance, puis d'irrigation de la plaine par le creusement de canaux.

Une tâche complexe qu'Adam de Crapponne imagina et finança sur ses propres deniers, en croyant à la légende colportée à travers les siècles de l'existence d'une charte féodale de 1167, établie entre Alphonse II, roi d'Aragon et Raymond, archevêque d'Arles, et en identifiant les secrets de la prouesse technique qui domine toute l'économie de faisabilité de son projet.

A l'aube de sa vie, Adam de Crapponne, face à la masse des dépenses imprévues de son entreprise était ruiné. Le rêve brisé, l'aventure restera inachevée. Cependant, il laissera à la postérité, pour des siècles encore, un patrimoine hydraulique rarement atteint en France.