Un coup de coeur de Mollat
Ils ne savent pas encore ce qui les attend. A la merci d'un chauffeur sans scrupule, le voyage vers l'espoir tourne au vinaigre. C'est une chose que de se retrouver dans la situation d'un sans papiers, c'en est une autre que d'être poursuivi par la mafia roumaine...
Voilà vite résumées les premières pages haletantes de ce roman policier dont le rythme soutenu ne se démentira jamais.
Pour sauver leur peau, les passagers clandestins décident de se séparer. Il leur faut se faire oublier, disparaître. Iryna et Vasili trouvent refuge dans un squat à St Denis. Anatoli se cache à Marseille. Répondant à une petite annonce, Marko s'improvise marin et s'embarque au port de Lorient sur un ferry en partance pour l'île de Belz, où la police est moins présente que sur le continent. Son ambition de se fondre dans la population locale est compromise dès son arrivée car, à peine franchie la porte du premier bar, les hostilités sont déclarées : pourquoi Joël Caradec n'a-t-il pas plutôt embauché un gars du cru, un vrai pêcheur, plutôt que cet étranger que le mal de mer a fait dégueuler à la vue de tous ? Pierrick Jugand, le marin le plus virulent, en viendrait presqu'aux mains. (Lui non plus ne soupçonne pas ce que le sort lui réserve !). Mais n'en disons point trop, car à ce stade de l'histoire, bien des surprises attendent le lecteur au tournant des pages suivantes...
Le suspense oscille entre chasse à l'homme (on suit tour à tour le destin de chacun des réfugiés), polar d'ambiance, et thriller mâtiné de fantastique. Car « C'est Belz. On l'appelle Enez Ar Droc'h. Ça veut dire l'île des fous » et les gens d'ici croient aux légendes, notamment à l'ombre de l'Ankou, l'ange de la mort, qui rôde...
Emmanuel Grand, dont c'est ici le premier roman, a tissé d'une plume sûre les mailles d'une histoire originale avec un art consommé du suspense et des personnages bien campés, sur fond de paysages de mer en furie, à l'instar des tourments des âmes humaines. Pour filer la métaphore, votre libraire s'est sentie comme un poisson dans la nasse, piégée par sa lecture, c'est dire !