Dans son nouveau roman, "Jacky", Anthony Passeron poursuit son exploration de la non-fiction en se concentrant sur l'histoire de sa famille, archétype d'une classe moyenne périphérique du pays niçois entre les années 80 et 2000. Après avoir abordé son père dans un roman précédent comme personnage secondaire, l'auteur fait de lui le sujet principal de cet ouvrage.
La question centrale est celle de son désengagement progressif et de sa disparition au sens large. L'auteur cherche à écrire une histoire extrêmement pudique de ce rapport au père qui se délite, nécessitant un "objet transitionnel" : les consoles de jeux vidéo. L'objet ludique devient l'unique patrimoine affectif et matériel que cet homme a légué à ses enfants. Anthony Passeron intègre ainsi la culture du jeu vidéo à la littérature, une culture qu'il considère sous-représentée et qu'il réhabilite en parallèle de sa propre géographie de "seconde zone".
Le titre, "Jacky", est d'ailleurs choisi comme une signature de cette classe populaire et moyenne que l'auteur souhaite assumer comme un patrimoine à part entière. En se focalisant sur cette France périphérique souvent mal ou caricaturalement représentée, l'auteur cherche à retrouver un côté terre à terre, loin de toute poétique ou esthétisation de l'ennui. Loin d'être un simple échappatoire, le jeu vidéo fut pour lui une véritable initiation à la narration et aux points de vue narratifs.
Raconter son enfance et son adolescence sans cette dimension aurait été une "malhonnêteté intellectuelle et artistique". Les jeux sont la "Madeleine" de ce roman, offrant une continuité affective là où le père désinvestissait son rôle. L'histoire des consoles, avec leur amélioration et leur succession temporelle, fournit à l'auteur une structure narrative forte. Elle lui permet d'inscrire l'histoire de son père, de simplifier narrativement le récit et de lui donner du sens. La disparition est le thème central, un alignement entre l'enfance qui s'échappe, le père qui s'efface, et les objets d'une époque qui tombent eux aussi dans l'oubli.
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