Antoine Tricot - Neuf-trois (TP) : une histoire plurielle de la Seine-Saint-Denis

Antoine Tricot, habitant de Saint-Denis depuis une dizaine d'années et originaire du Cantal, revendique une approche « non légitime » de la Seine-Saint-Denis. Il n'a pas voulu rédiger une histoire universelle et univoque du 93, mais plutôt une histoire plurielle, en confrontant trois points de vue : le sien, celui des spécialistes des sciences sociales et celui des habitants, militants et travailleurs du territoire. C'est en croisant ces regards fragmentaires qu'il espère approcher la complexité de ce département emblématique.

L'historien fait des émeutes de 2005 le point de départ de son récit, déclenchées par la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré. Il s'interroge sur les raisons qui ont fait de la Seine-Saint-Denis le lieu de cette étincelle. Pour y répondre, il propose un vaste retour en arrière. Il remonte à la fin du XIXe siècle, à l'arrivée des grandes usines, la construction des logements sociaux pour les travailleurs et le brassage culturel qui s'est opéré dans ce territoire devenu la plus grande emprise industrielle d'Europe. Il n'élude pas les « faces sombres » de cette histoire, comme la désindustrialisation, la perte d'emplois massifs et le racisme.

Antoine Tricot met en lumière le rôle central et actif des habitants du 93, trop souvent réduits à un statut de victimes passives. Pour lui, ce sont des acteurs de leur histoire, engagés dans des luttes sociales pour plus de dignité et d'égalité. L'ouvrage veut ainsi redonner toute sa noblesse à un territoire qui est devenu pour beaucoup une « terre d'ancrage ». Le livre est à la fois un cri de fierté et un signal d'alarme sur l'état des quartiers populaires.

L'auteur combat les clichés médiatiques qui figent le 93 dans une image de violence, de béton et de faits divers. Il propose plutôt de découvrir le département dans sa « banalité quotidienne », de s'y promener et de lire les traces de son passé. Loin des caméras et des reportages sensationnalistes, il révèle un territoire dont l'histoire, bien que souvent banalisée, est centrale et commune à toute la nation. Il rend accessible la parole de ses habitants, qui, pour lui, doit être au cœur du récit.