Dans cette conférence, Didier Fassin développe le sujet de son dernier ouvrage, "Leçons de ténèbres", qui prolonge le triptyque de ses cours au Collège de France. Après avoir exploré les questions des frontières, des migrations, du châtiment et de la prison, l'anthropologue se consacre à la violence, un phénomène omniprésent dans le discours public, bien que sa fréquence réelle soit débattue.
Il s’appuie sur ses vastes recherches de terrain, du Sénégal à l'Afrique du Sud, en passant par ses travaux sur la police et la justice, pour étayer sa réflexion. Un événement international récent a été le déclencheur majeur de son travail sur le sujet : le massacre et la destruction de Gaza à partir du 7 octobre 2023.
L'un des paradoxes qu'il soulève est le "point aveugle" des sciences sociales. Didier Fassin observe que la sociologie et l’anthropologie, pendant près d'un siècle (des années 1880 aux années 1980), ont omis de traiter de la violence, malgré son omniprésence (guerres mondiales, génocides, colonisation, etc.). Cette lacune s'explique par la prédominance des théories axées sur l'ordre et la cohésion sociale, comme celles de Max Weber ou Norbert Elias. L'auteur souligne également le biais démographique des disciplines, longtemps dominées par des hommes blancs occidentaux, qui ont délaissé des sujets perçus comme marginaux.
Didier Fassin aborde la complexité de la violence, qui peut être interprétée différemment selon les acteurs, comme en témoignent les divergences de perception entre policiers et citoyens sur la violence policière, ou la pratique de l'excision dans certaines sociétés. L’auteur questionne également les frontières de sa propre discipline, les sciences sociales. Il distingue la réalité de l’analyse ethnographique de la vérité de la création fictionnelle. Alors que le chercheur est contraint par les faits qu'il a observés, le romancier ou le poète peut explorer les profondeurs de l'âme humaine grâce à son imagination.
En conclusion, il plaide pour un dialogue et un enrichissement mutuel entre l'analyse scientifique et la création artistique, car chacune, avec ses propres exigences et limites, apporte un éclairage essentiel sur l'un des phénomènes les plus complexes de l'humanité.
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