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Florence Aubenas - Soirée George Orwell

Le journalisme en immersion : capturer la vérité du quotidien.
Publié le 24/11/2025
Blanche Cerquiglini, éditrice Folio Classique s'entretient avec Florence Aubenas autour de son oeuvre, dans le cadre de la Masterclass Georges Orwell.
Florence Aubenas revient sur sa démarche d'enquêtrice, souvent comparée à celle de George Orwell, pour explorer les invisibles du monde du travail et de la précarité. Face à l'impossibilité de rendre compte de la crise économique de 2009 avec le vocabulaire journalistique habituel, elle choisit l'immersion, une méthode radicale, pour saisir "l'ambiance" de la difficulté et la finesse du quotidien qui échappent aux gros titres.

Cette démarche, bien que motivée par une volonté de "bonne cause", soulève inévitablement des questions éthiques complexes liées à la dissimulation d'identité et à l'invention d'une vie, un point qu'elle partage avec Orwell. L'expérience révèle la force des stéréotypes, même non malveillants, qui déterminent le regard porté sur les personnes en recherche d'emploi ou en situation de vulnérabilité. Elle évoque un sentiment de culpabilité lié à son passé d'otage, qui a pu alimenter son besoin de se confronter à une autre forme de réalité.

L'échange explore la notion orwellienne de "common decency" (décence ordinaire). L'écrivaine témoigne d'un bon sens et d'une sagesse chez les gens qui n'aspirent pas à des richesses irréalistes mais à un revenu "à portée de main", refusant l'excès. Ce courage quotidien et cette manière d'affronter la vie sans se plaindre sont au cœur de son métier de reporter : partir, revenir, accepter de se tromper, et écrire sur le vivant sans connaître l'issue.

La discussion se poursuit sur la manière dont le fait divers devient un sujet politique ou social dans ses livres, comme L'Inconnu de la Poste. Ce qui l'intéresse n'est pas l'événement sanglant, mais l'analyse du fonctionnement des institutions face à l'affaire. Elle dépeint l'histoire de la postière assassinée et du suspect, Gérald Thomassin, l'étranger du village, dont l'accusation a servi de fiction au père de la victime dans sa quête de vengeance. La résolution de l'affaire, qui contraint ce père à accepter une vérité nouvelle et moins satisfaisante, illustre la difficulté pour les individus de renoncer à leurs propres récits.

Enfin, elle aborde la relation humaine dans l'enquête. Face à des personnes en grande difficulté, elle refuse d'appliquer des rôles conventionnels. Prêter sa batterie à Mayotte ou payer un billet de train pour Gérald Thomassin n'est pas un manquement professionnel, mais une nécessité humaine. Elle revendique que le journaliste, surtout au contact des anonymes, ne peut pas s'oublier en tant qu'être humain.
Bibliographie