Ce roman tire son origine d'une histoire familiale déformée par la mémoire d'enfant de l'auteure. Le point de départ est un domaine viticole des Pyrénées-Orientales, lieu de vacances de son adolescence, où trônait un tableau familial peint par un artiste roumain hébergé pendant la Première Guerre mondiale. L'idée fascinante d'une arrière-grand-mère jeune fille cachant un peintre déserteur dans le château familial a supplanté la réalité, donnant naissance à cette fiction.

L'intrigue se déroule en huis clos pendant l'hiver 1917, une période marquée par l'usure de la Grande Guerre. Dans ce château isolé, vivent une mère et sa fille, Rosalie, qui s'ennuie profondément. Une nuit d'orage, un peintre déserteur frappe à leur porte. La mère refuse de l'aider, scandalisée, mais Rosalie, mue par la pitié, le cache au grenier. Cette décision audacieuse transforme le château en une cocotte-minute où la tension monte. Le roman est construit autour de quatre points de vue distincts, permettant d'explorer l'intériorité et les ambivalences de chaque personnage. Cette pluralité des voix offre au lecteur une longueur d'avance, créant un suspense tendu tout en laissant place à la contemplation et à la sensualité du récit.

Gaëlle Nohant a choisi cette structure polyphonique pour saisir l'essence insaisissable des êtres, même les plus proches. Chaque personnage – le peintre hanté par la guerre, la jeune Rosalie pleine de désirs frustrés, la mère découvrant une nouvelle autonomie – possède une voix et un rythme qui lui sont propres, offrant une immersion profonde dans leurs pensées et leurs é perceptions du monde. L'auteure a pris un immense plaisir à incarner ces différentes perspectives.

La peinture joue un rôle central dans le roman, influençant les relations entre les personnages et posant des questions fondamentales sur l'art en temps de guerre. Gaëlle Nohant a mené un travail de recherche approfondi sur le monde des peintres, notamment les fauves et les expressionnistes, et sur la relation complexe entre l'artiste et son modèle. Le livre explore si l'art peut permettre de survivre à la guerre, ce qu'il advient des artistes mobilisés, et comment ils intègrent ou non le conflit dans leur œuvre. En trois mots, le roman est centré sur la pulsion de vie qui surmonte tout, sur la manière de s'émanciper des injonctions sociales et, surtout, sur l'amour sous toutes ses formes.