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Jens Christian Grøndahl - Au fond des années passées

L'exploration de la condition humaine et du temps qui passe, de la jeunesse idéologique à la sagesse de la dépendance.
Publié le 14/11/2025
A l'occasion de l'édition 2025 du Festival "Lettres du Monde", Jens Christian Grøndahl vous présente son ouvrage "Au fond des années passées" aux éditions Gallimard. Entretien avec Sylvie Hazebroucq.
L'écrivain danois Jens Christian Grøndahl livre un entretien poignant et philosophique autour de son roman "Au fond des années passées", explorant les thèmes de la mémoire, de l'identité évolutive et de la dépendance humaine.

L'ouvrage met en scène un narrateur, un homme confronté à la vieillesse et à la maladie, qui revit son passé, notamment son premier amour perdu, Anna, et la manière dont son "soi jeune" diffère de son "soi vieilli". Jens Christian Grøndahl souligne le paradoxe de l'identité : nous ne restons pas les mêmes, et pourtant, au fond, nous le sommes. Cette quête d'identité est intrinsèquement liée à l'histoire personnelle que l'on se raconte, l'écriture devenant l'effort nécessaire pour donner forme à cette histoire et atteindre une identité.

Le roman s'articule autour d'une rencontre inattendue entre le narrateur, soixantenaire, et Anna. Alors qu'il perd son indépendance et son autonomie à cause de la maladie, Anna lui offre l'assurance de sa présence et de son soutien. Cette proposition est vécue comme une "grâce" qui bouleverse la conception du narrateur, obsédé toute sa vie par la liberté personnelle. L'auteur partage cette réflexion : avec l'âge, la découverte de la dépendance aux autres remet en question la valeur de l'indépendance totale.

Évoquant l'acte d'écrire, Jens Christian Grøndahl insiste sur le besoin de fiction pour échapper à l'autofiction. Selon lui, la fiction permet de créer un espace partagé avec le lecteur, où les événements vécus et imaginés se mêlent, non pas pour se défendre ou se poser en victime, mais pour mener une réflexion morale profonde et accepter ce que l'on a été. L'écriture devient une manière d'échapper à la solitude pour partager l'intime et atteindre une communauté plus vaste.

L'échange aborde également la complexité des personnages, notamment Anna, une femme libre, émancipée et moderne qui contraste avec le narrateur, davantage sous l'influence des idéologies de l'extrême gauche des années 80. Son pragmatisme existentiel et sa foi chrétienne non réactionnaire (dans le contexte protestant danois) bouleversent les perspectives du narrateur.

Enfin, l'auteur s'attarde sur la vulnérabilité du personnage, qui traverse sa vie sans vraiment la décider, et l'appréciation des émotions douces et des moments ordinaires de l'existence. Le roman invite à une réflexion philosophique sur la présence à soi et au monde, et la capacité à garder l'espoir et la légèreté même lorsque l'avenir se raccourcit. Il conclut que vieillir, c'est justement pouvoir apprécier la douceur d'émotions moins extrêmes.
Bibliographie