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Philippe Girard - Libres d'obéir

Quand le management nazi éclaire le monde de l'entreprise contemporain : une adaptation choc et nécessaire d'un essai historique en bande dessinée.
Publié le 27/11/2025
A l'occasion de l'édition 2025 des Rendez-vous de l'Histoire de Blois, Philippe Girard vous présente son ouvrage "Libres d'obéir" aux éditions Casterman.
Philippe Girard, auteur québécois de bande dessinée, évoque son processus d'adaptation de l'essai "Libres d'obéir" de l'historien Johann Chapoutot aux éditions Casterman. Le livre révèle comment les principes de management développés sous le régime nazi sont étonnamment similaires aux pratiques en vigueur dans de nombreuses grandes entreprises occidentales contemporaines.

L'auteur confie que l'adaptation, bien que proposée, a résonné profondément avec sa propre expérience de travailleur en entreprise. Il a été frappé par la capacité d'une thèse universitaire à être aussi "touchante" et personnellement interpellante pour le lecteur.

Au-delà de cette résonance personnelle, Philippe Girard explique avoir été motivé par un sentiment de devoir, lié à son précédent ouvrage sur Antoine de Saint-Exupéry. Il a ressenti l'appel symbolique de Saint-Exupéry – lui qui avait sollicité l'aide des Canadiens contre les nazis – l'enjoignant à continuer le combat car "le nazisme, c'est pas fini". Cette dimension amicale et historique a rendu impossible un refus du projet.

La collaboration avec Johann Chapoutot s'est déroulée de manière fluide, l'historien faisant confiance à l'auteur pour la transposition graphique. Cependant, Philippe Girard a ressenti le besoin d'apporter une modification majeure à la structure : l'introduction de personnages féminins. L'essai initial, traitant d'un sujet majoritairement masculin à l'époque nazie, ne comportait pas de femmes, ce qui n'était pas envisageable pour l'auteur dans une œuvre de bande dessinée actuelle. Il justifie ce choix par la nécessité d'inscrire le récit dans la mouvance contemporaine du 9e Art et par son rôle de père de deux filles.

L'introduction de ces figures féminines permet notamment de relier la philosophie nazie du travail au travail contemporain par métaphore et de manière plus efficace. L'auteur insiste sur la pertinence du discours porté par des femmes, évoquant la charge mentale et les réalités vécues qui rendent leur voix particulièrement "porteur" et "convaincant" pour aborder ces thématiques.

L'adaptation en bande dessinée a été un exercice de synthèse où le dessin est aussi de l'écriture, permettant de transmettre le message de manière visuelle et plus succinte que l'essai original. L'objectif n'était pas de dupliquer l'essai, mais de créer deux objets complémentaires. En offrant une lecture légèrement différente, l'adaptation invite à un "rafraîchissement" de la réflexion et à un processus de lecture qui "s'étale sur plus de temps", suscitant une réflexion plus profonde.

Enfin, Philippe Girard souligne l'intérêt d'aborder le nazisme sous un "angle latéral" grâce à Johann Chapoutot. Plutôt que de faire une énième BD documentaire sur la période, l'adaptation se concentre sur la philosophie et les aspects tentaculaires de cette doctrine (identité, travail), jetant un éclairage nouveau sur un sujet qui continue de questionner l'humanité.


Bibliographie