Dans "Mon tour de Gaule", Philippe Martinez, ancien secrétaire général de la CGT (2015-2023), livre un témoignage engagé, partageant son expérience de militantisme et ses visites incessantes sur le terrain. Il explore son histoire familiale, le rôle du syndicalisme dans la société française, et son regard critique sur les élites dirigeantes.
Le récit débute par ses origines immigrées espagnoles, marquées par la lutte contre le fascisme (Brigades internationales) et la Résistance. Ce terreau familial explique son engagement précoce. Martinez insiste sur l'esprit internationaliste de la CGT, illustré par la défense des travailleurs sans papier, dont l'exploitation est jugée inacceptable. Pour lui, la France se définit mieux par ses conquêtes sociales que par ses obsessions identitaires.
Un chapitre est consacré aux "champions de la théorie", ciblant ceux qui dirigent sans connaître la réalité du travail. Il raconte des anecdotes révélatrices du décalage avec le Président de la République, dénonçant sa conception du syndicalisme réduite à une simple "relation de service", ignorant l'autonomie et l'indépendance des partenaires sociaux. Il souligne la gravité de ce fossé entre les élites dirigeantes et la population.
L'auteur insiste sur l'importance du travail en intersyndical et de l'unité syndicale, particulièrement forte lors de la mobilisation contre la réforme des retraites en 2023. Il rappelle que la CGT, organisation de masse et très démocratique, n'est pas dirigée de manière verticale. La "bataille du rail" (2018) met en lumière l'impossible dialogue avec l'État. Martinez fait un constat critique : le gouvernement a concédé plus au mouvement des Gilets Jaunes (non structuré) qu'à l'intersyndicale de la SNCF. Il y voit un "mépris affiché" du syndicalisme organisé, constituant une "grave menace pour notre démocratie" et source de violences.
Le livre est enrichi des récits de son "Tour de Gaule", où il se rend sur les "points chauds" pour donner un "porte-voix" aux luttes. Il évoque le désespoir des travailleurs, prêts à des actes extrêmes pour être entendus, face au mépris des pouvoirs publics.
Martinez aborde les questions sociétales, prônant le rapprochement entre "Fin du monde, fin du mois, même combat" (écologie) et le dialogue avec Greenpeace. Sur les violences sexistes et sexuelles (VSS), il confie le travail difficile mené en interne, reconnaissant qu'il y a "trop de machos à la CGT", une bataille qui a mené à l'élection de Sophie Binet, première femme secrétaire générale en 130 ans.
L'engagement se poursuit avec la culture et l'éducation populaire, pour que la culture ne soit pas réservée à une élite. Sa conclusion est un message d'optimisme résolu, invitant à l'engagement, car "il ne suffit pas de s'indigner, il faut s'engager" (George Séguy).