Dans cet entretien intime et profond, Rebeka Warrior, artiste complète et figure de la scène électro-punk, revient sur la genèse de son premier roman, "Toutes les vies". Loin d’une simple autobiographie, elle le définit comme une autofiction, une réappropriation poétique de son histoire personnelle. L'écriture n'est pas un acte prémédité, mais une nécessité, imposée par l'ampleur d'un récit qui ne pouvait tenir ni dans une chanson ni dans un album. Elle y transpose sa méthode de parolière, privilégiant des phrases courtes, rythmées et percutantes, créant une "très très grande chanson" ou une "poésie en prose". Cette structure fragmentée, validée par son éditeur, matérialise le chaos et le tumulte intérieur de la narratrice.
Le livre est avant tout un récit de résilience face au deuil, mais surtout une déclaration d'amour. Si l'écriture de la perte fut difficile, l'évocation de la relation avec sa compagne Pauline fut la plus ardue, par peur de trahir sa mémoire. Rebeka Warrior aborde avec une honnêteté crue et libératrice son rôle d'aidante, une fonction souvent invisible et dénuée de référentiels littéraires. Elle se livre sur ses propres échecs, ses failles, et l’aveu parfois tabou de vouloir que la souffrance se termine. Ce partage sincère résonne avec de nombreux lecteurs et lectrices, faisant du livre un refuge et un support pour ceux qui traversent des épreuves similaires.
Le roman se nourrit d’un foisonnement de références littéraires et culturelles. Loin du name-dropping, ces citations de Marc Aurèle, Thomas Mann ou Herman Hesse, qu'elle considère comme ses "aidants", structurent le récit et offrent des pistes de réflexion. Consciente de s'identifier à des "vieux philosophes cishommes blancs morts", elle pointe l'invisibilisation des voix féminines et queer dans la littérature classique, compensée aujourd'hui par la nouvelle vague d'auteurs et autrices féministes.
La quête de résilience de la narratrice passe par une exploration intense de la spiritualité et des "portes de la perception". De la méditation au chamanisme en passant par les substances psychédéliques, elle teste toutes les voies pour trouver un sens à sa vie et communiquer avec le "royaume des morts". Le livre est une exploration de la transcendance, où la poésie, la musique et l'art deviennent des ponts vers d'autres mondes, offrant un espoir de renouveau.
La discussion se conclut sur la réception de son livre. Découvrant le monde littéraire, elle se réjouit de défendre son œuvre avec la même conviction que ses disques, et d’échanger avec un public qui, d'une manière différente que lors de ses concerts, lui renvoie la puissance et l'impact de son travail. Elle révèle enfin son désir d'écrire un deuxième livre, confirmant que cette exploration littéraire est un chemin qu'elle souhaite continuer.
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