Réjane Sénac - Par effraction : rendre visible la question animale

En partant du principe que "l'intime est politique", Réjane Sénac explore le rapport de nos sociétés aux animaux non-humains. Elle met en lumière un paradoxe central de notre époque : alors que la question de la condition animale est de plus en plus présente dans l'espace public et intime, nos modes de production et de consommation reposent toujours sur une exploitation, une appropriation et une violence systémiques.

L'autrice souligne l'incohérence entre nos convictions éthiques, qui s'opposent majoritairement à la maltraitance animale, et nos comportements individuels, qui peinent à se détacher de ce système. La discussion dépasse la simple culpabilisation individuelle pour s'intéresser aux leviers politiques qui permettraient un changement de société. Réjane Sénac s'appuie sur le concept de "nécropouvoir" d'Achille Mbembe, où la domination et le droit de tuer ou de laisser vivre se manifestent de manière flagrante dans notre rapport aux animaux.

Elle met en évidence que la question animale est intrinsèquement liée aux autres luttes contre les injustices et les violences, qu'elles soient féministes, antiracistes ou sociales. L'animalisation a historiquement été un outil pour justifier la domination de certains groupes humains, et la remise en question de cette hiérarchisation est un défi démocratique majeur. L'autrice propose de repenser notre vivre-ensemble en intégrant les animaux non-humains à la communauté politique. Cela passe par une réorganisation de l'alimentation collective, une végétalisation des villes, mais aussi par une évolution du droit, reconnaissant les animaux comme des êtres vivants doués de sensibilité.

Elle plaide pour une "zoolopolitique" qui, en intégrant les animaux comme des sujets de droit, nous interroge sur la nature de notre démocratie et notre capacité à appliquer les principes de justice, d'égalité et de solidarité. C'est une démarche qui, bien que potentiellement inconfortable, est une chance de faire évoluer nos sociétés vers une plus grande justice.