Victor Jestin - La mauvaise joueuse

Dans son roman "La mauvaise joueuse", Victor Jestin explore la thématique de la fuite à travers son personnage, Maud. Trente ans, employée de bureau, Maud a une vie en apparence ordinaire. Mais un soir, après avoir provoqué un accident de voiture et commis un délit de fuite, elle entame une errance de plusieurs jours qui va la pousser dans ses derniers retranchements. Pour elle, la fuite prend une forme très singulière : elle se réfugie dans des jeux. La narratrice se jette à corps perdu dans des bars PMU, des salles d’échecs, des fêtes foraines et des bowlings, des lieux qu'elle voit comme des refuges où elle peut se cacher et surtout, assouvir sa passion pour le jeu, une addiction profonde qui la suit depuis l'enfance.

Le livre questionne notre rapport au jeu : pourquoi nous y adonnons-nous, ne serait-ce que cinq minutes pour jouer au Uno ? Pour l'auteur, le jeu est plus qu’une simple distraction. C'est un moyen de s'extraire de soi et du monde, un geste de rébellion et d'émancipation face à une réalité qui ne nous convient pas. Dans nos sociétés, le jeu est partout, mais il n'est jamais vraiment libre, cantonné à des espaces bien définis comme les récréations d'école, les salles de pause en entreprise ou les moments de loisirs du week-end. Cette frustration d'enfance, celle de ne pas pouvoir jouer sans limites, est le point de départ de la fuite de Maud, qui fait de son existence même un grand jeu de cache-cache.

L'écriture de Victor Jestin est au plus près des mécanismes de l’addiction : la narratrice est en proie à des pulsions contradictoires, des bouffées de joie suivies immédiatement par de la honte et de la culpabilité. Maud est un personnage imparfait, qui dérange et irrite parfois, ce qui la rend d'autant plus réaliste. Le récit est un enchaînement de jeux qui se présentent au personnage et l’engloutissent, comme autant d'obstacles à éviter. Mais le jeu est aussi une pulsion de vie très forte, un excès de vitalité. C'est cette force ingérable, cette curiosité insatiable qui anime Maud, et qui, pour Victor Jestin, est un point de puissance qu’il faut cultiver en nous.